La SCI française et l’imbroglio de la taxe Caïman

La SCI française et l’imbroglio de la taxe Caïman

par Bernard d'Ursel, Senior Wealth Planner
Jusqu’à décembre 2023, lorsqu’un résident belge était associé d’une SCI française détenant un immeuble situé en France, il ne devait pas mentionner le revenu du bien (donné en location ou non) dans sa déclaration à l’impôt sur les revenus. Si la SCI distribuait un revenu sous la forme d’un dividende parce que la SCI avait recueilli un loyer, celui-ci devait être déclaré à moins qu’il n’ait été soumis au précompte mobilier belge lors de sa perception en Belgique. Ce régime trouvait sa source dans deux arrêts de la Cour de Cassation prononcés en 2016 et en 2017, laquelle avait jugé qu’une SCI dotée de la personnalité juridique en France devait être reconnue comme telle en Belgique et par conséquent, traitée comme toute société, susceptible ou non de distribuer un dividende.
Bernard d'Ursel


Une loi adoptée en décembre 2023 a bouleversé ce régime en modifiant les dispositions relatives à la taxe « Caïman ».

La taxe « Caïman » est un terme générique pour désigner des dispositions introduites en 2015 dans le code des impôts sur les revenus et qui ont pour but de taxer les revenus perçus par des entités, dénommées « constructions juridiques », par transparence dans le chef des « fondateurs » comme si ces derniers avaient perçu directement ces revenus et, ce même en l’absence de distribution effective de ces revenus.

En bref, le fondateur est la personne physique qui a constitué la « construction juridique » ou qui en a hérité ou qui est destinée à en hériter. Est également présumé « fondateur » la personne qui est renseignée comme bénéficiaire de la construction juridique au registre UBO (sauf preuve contraire). Le registre UBO reprend les personnes détenant une participation d’au moins 25 % dans une société (avec ou sans personnalité juridique) ou qui exerce un mandat dans cette société.

La déclaration à l’impôt des personne physiques contient un volet relatif à la qualité de bénéficiaire d’une construction juridique ; le déclarant doit cocher (code 1077) la case s’il est considéré comme « fondateur » d’une telle entité. Il convient de renseigner les coordonnées de cette construction juridique.  Si des revenus ont été versés par cette construction juridique, ils doivent être déclarés dans la rubrique correspondant à leur qualification (ex. : dividendes, revenus immobiliers, revenus professionnels), sauf s’ils ont subi leur régime fiscal en Belgique. 

La loi du 22 décembre 2023 (moniteur du 29 décembre 2023) a intégré dans le régime relatif à la taxe Caïman des dispositions susceptibles d’avoir une influence sur les détenteurs de parts de sociétés civiles immobilières (« SCI ») françaises.

Une société civile immobilière française sera considérée comme une « construction juridique » si, en France, elle est soumise à un impôt sur les revenus inférieur à 1 % du revenu imposable de la société déterminé conformément à la loi fiscale belge.

Cependant, la SCI paie une taxe foncière. Or, cette taxe foncière est basée sur le revenu cadastral du bien immeuble (une comparaison peut être effectuée avec le précompte immobilier belge). Cette taxe foncière est rarement inférieure à 1% du revenu cadastral du bien. Cela veut-il dire que la SCI a supporté un impôt minimal d’1 % ou bien cet impôt minimal doit-il être déterminé conformément aux règles de l’impôt des sociétés (alors qu’une SCI peut ne pas être assujettie à l’impôt sur les sociétés en France) ?

Comment interpréter ces dispositions si la SCI n’est pas censée avoir payé un impôt de 1%? 
A supposer que la SCI soit considérée comme une « construction juridique », l’associé résident belge devrait déclarer le revenu cadastral du bien immeuble situé en France en l’absence de location puisqu’il est censé percevoir un revenu en transparence comme si la SCI n’existait pas. Quel est le revenu cadastral à déclarer : le revenu cadastral du bien servant de base à l’impôt foncier français ou le revenu cadastral déterminé par l’administration belge (l’administration du patrimoine détermine un revenu cadastral pour tout bien étranger sur la base d’une déclaration obligatoire à déposer par le titulaire d’un droit sur un bien étranger) ? Ce revenu serait alors exonéré sous réserve de progressivité en Belgique en vertu de l’actuelle convention préventive de la double imposition conclue entre la Belgique et la France. Toutefois dans la nouvelle convention qui devrait entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2025, les revenus français seront exonérés (sous réserve de progressivité) en Belgique à la condition que ces revenus aient subi l’impôt en France. Il faudra vérifier si l’administration considère la taxe foncière comme un impôt sur le revenu. Si tel est le cas, la Belgique devrait l’exempter sous réserve de progressivité.

Les dispositions récemment adoptées et applicable à partir du 1er janvier 2024 sont encore baignées de confusion. On peut espérer que l’administration fasse rapidement connaitre son interprétation afin d’apporter un éclaircissement nécessaire notamment en vue du dépôt de la prochaine déclaration fiscale.

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