Trump rendra-t-il sa grandeur à l'Amérique ?

Trump semble donc vraiment mettre à exécution ce qu'il avait promis durant la campagne : privilégier les intérêts (et l'emploi) des Américains. Mais est-il bien dans l'intérêt à long terme des États-Unis de s'isoler derrière de hautes barrières douanières ? La majorité des économistes n'en sont vraiment pas convaincus. S'ils ne nient pas que cette politique pourrait effectivement générer des effets positifs à court terme, ils sont pratiquement certains de son impact néfaste à long terme.

Des tensions inflationnistes et une hausse des taux

Premièrement, ces taxes à l'importation impliquent que les Américains devront payer plus cher les biens importés de l'étranger. La production nationale n'est pas une alternative dans ce cas : si la production intérieure était moins chère que celle venant de l'étranger, il n'y aurait effectivement aucune raison de s'isoler derrière des barrières douanières. Autrement dit, la politique de Trump stimulera l'inflation, et ce à un moment où elle dépasse déjà légèrement la barre des 2 %. Rien d'étonnant donc à ce que la FED surveille la situation de près et qu’elle ait déjà averti, par la voix de la présidente Yellen, que la politique de Trump pourrait obliger la Banque centrale à relever les taux plus vite et plus haut que prévu. Une partie des effets positifs de la hausse de l'emploi dans le pays pourrait donc d'emblée être neutralisée par le relèvement des taux d'intérêt.

Outre l'inflation, d'autres projets de Trump risquent également de propulser les taux vers le haut. En effet, en mettant sur pied un programme de travaux publics de grande envergure, Trump vise à remédier enfin à l'état lamentable des infrastructures publiques. Quiconque a voyagé aux États-Unis ces dernières années ne manquera pas de confirmer que l'état des routes, des ponts, des aéroports... est indigne du pays le plus riche au monde et nécessite en effet cruellement une injection de capitaux. Et s'il est une chose dont on peut être sûr, c'est que Trump voit les choses en grand : il a l'intention de dégager quelque 500 milliards de dollars pour les travaux d'infrastructure dans les années qui viennent. Il espère ainsi, dans la foulée, créer de nombreux emplois pour les ouvriers peu qualifiés qui ont voté massivement pour lui et donner un sérieux coup de pouce à l'économie.  Reste à voir si ce sera effectivement le cas. Avec un taux de chômage de 4,7 %, les États-Unis connaissent aujourd'hui une situation de quasi plein emploi et une demande supplémentaire de main-d'œuvre risque davantage de booster les salaires que de créer de nouveaux emplois. Ce sont donc à nouveau des effets inflationnistes plutôt que des effets de croissance que l'on doit attendre des projets de Trump.

Les questions qui restent en suspens

En outre, il se pose la question de savoir où Trump espère trouver l'argent pour financer ces travaux. Parallèlement à la hausse des dépenses, il veut en effet baisser considérablement la fiscalité, tant pour les entreprises que pour les ménages. Le président soutient que l'accélération de la croissance que génèrera son programme engendrera une hausse des recettes pour l'État, même aux taux d'imposition les plus bas, et que les déficits n'augmenteront donc pas. Pas un économiste ne le croit : il se peut qu'une accélération de la croissance forme un certain contrepoids à la hausse des dépenses, mais elle ne pourra en aucun cas la compenser. Les projets de Trump risquent donc de creuser un sérieux trou dans le budget, ce qui n'est pas une bonne nouvelle au moment où la dette publique avoisine les 100 % du PNB.

Autre point : les Américains sont loin d'épargner suffisamment pour financer ce déficit au niveau national : les États-Unis doivent emprunter chaque jour quelque 3 milliards USD au monde extérieur pour pouvoir couvrir leurs dépenses ! Ces financiers étrangers n'accepteront pas sans broncher de voir l'endettement américain augmenter et exigeront des intérêts plus élevés pour compenser la hausse des risques liés à leur investissement. Ces intérêts plus élevés freineront à leur tour la croissance économique. Les relations plutôt tendues entre Trump et ses principaux bailleurs de fonds constituent un autre point d'inquiétude. En effet, le déficit américain a été financé essentiellement par la Banque centrale chinoise, qui a acheté massivement des bons du Trésor américain. Le monde arabe pétrolifère a réinvesti une part non négligeable de ses recettes pétrolières en dollars dans des obligations américaines. Et dans la mesure où Trump fait aujourd'hui de son mieux pour sortir précisément ces deux groupes de leurs gonds, non seulement par ses barrières commerciales, mais aussi par son rejet de la politique « d'une seule Chine » et son soutien ouvert à Israël... 

Un avenir incertain

En conclusion, il semble donc que Trump entame une aventure économique, dont les conséquences sont très difficiles à estimer. À court terme, il se peut que ses projets génèrent une certaine accélération de la croissance, mais il est à craindre qu'elle ne s'enlise assez rapidement dans des tensions inflationnistes et une hausse des taux. Et n'oublions pas non plus que les effets de la politique commerciale de Trump rejailliront également sur le reste du monde. La croissance dans les marchés émergents, qui est fortement axée sur le grand marché américain, pourrait également s'en trouver considérablement ralentie, ce qui à son tour pourrait affecter la croissance de l'économie mondiale et aussi miner les exportations américaines. La politique commerciale de Trump pourrait bien revenir comme un boomerang vers l'économie américaine... La question de savoir si l'Amérique et le monde s'en porteront mieux reste posée. En tout cas, les années qui viennent s'annoncent riches en rebondissements...

Contactez-nous