Politique monétaire : des trajectoires divergentes ?

Aux États-Unis, l'économie poursuit sa croissance à un rythme assez modéré. Mais le pays continue néanmoins de créer chaque mois près de 200.000 emplois supplémentaires, refoulant le chômage sous la barre des 5 %. La FED craint donc que l'étroitesse du marché du travail se traduise par une pression à la hausse sur les salaires, qui affichent d'ailleurs déjà une lente tendance ascendante. La politique de taux extrêmement souple contraindra donc bientôt la FED à augmenter les taux. Les déclarations publiques faites récemment par différents membres de la FED visent effectivement à préparer les marchés à une décision imminente en la matière. Les observateurs tablent majoritairement sur un report de la décision jusqu'après les élections et partent du principe que la FED ne relèvera les taux qu'en décembre. Mais peut-être réservera-t-elle une surprise aux marchés dès le mois de septembre.

L'Europe semble, quant à elle, prendre la direction inverse et préconiser une nouvelle stimulation monétaire. Bien que l'économie européenne semble étonnamment bien digérer le Brexit, l'inflation reste extrêmement faible. Ce point inquiète clairement la BCE, dont la politique de QE vise à ancrer les prévisions d'inflation à un niveau supérieur. Le marché s'attend donc à une extension du programme d'achat d'obligations, pourtant déjà massif. Néanmoins, l'extension du programme s'avère, pour des raisons techniques, plus facile à dire qu'à faire. En effet, la BCE ne peut se contenter simplement d'acheter n'importe quelles obligations. Elle doit en l'occurrence respecter une clé de répartition bien précise. Elle est tenue d'acheter des obligations souveraines de chaque pays, proportionnellement à la taille relative du PIB de ce pays dans la zone euro, sous peine de se voir taxer d'apporter un soutien « déloyal » aux pays plus faibles. Et c'est précisément là que le bât blesse : l'Allemagne étant, en termes économiques, le plus grand pays de la zone euro, elle doit acheter une majorité de Bunds allemands, alors que la quantité d'obligations allemandes encore disponible s'est réduite à une peau de chagrin. À moins de modifier les règles actuelles, il se pourrait bien que la BCE soit contrainte de mettre fin anticipativement au programme par manque d'obligations allemandes disponibles... Il nous tarde de voir comment elle résoudra ce dilemme !

Néanmoins, la plus grande surprise est venue ces dernières semaines de la Banque du Japon. Contrairement aux prévisions des marchés, le soutien monétaire n'y a guère été étendu. Le Gouverneur Kuroda a déclaré vouloir attendre qu'une analyse approfondie des décisions précédentes soit réalisée avant de mettre en œuvre de nouvelles mesures, ce qui fait de lui le premier banquier central à douter ouvertement de l'efficacité du soutien monétaire de plus en plus grand.

Au vu des nombreux effets délétères que cette politique monétaire extrême semble exercer sur les marchés financiers, cette décision est certainement justifiée. La politique de taux nuls a en effet retiré aux investisseurs la boussole monétaire qui les guidait traditionnellement. Avec une politique de taux encore plus divergente à l'échelle mondiale, il serait peut-être utile de se demander si les inconvénients de la politique monétaire extrême ne commencent pas à en éclipser les avantages.

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