Mamas for Africa: Hilde Mattelaer

Comment est né le projet Mamas for Africa ?

Par mon éducation et mon parcours, j’ai été très activement impliquée dans la création de Médecins Sans Vacances, une association qui envoie des médecins et du personnel paramédical en Afrique subsaharienne pour former et assister leurs collègues sur place. En 1984, je suis partie pour la première fois en mission et j’ai tout de suite eu le virus de l’Afrique.

 

J’ai également été très impressionnée par le sort et la résilience des femmes africaines. Elles sont la pierre angulaire de la société mais leur position est pourtant très peu enviable. C’est la raison pour laquelle j’ai fondé, fin 1999, Mamas for Africa avec un certain  nombre  de  femmes de la diaspora. Notre objectif était d’aider les femmes et les  jeunes filles à mettre en place leurs propres projets.

Vous avez d’abord soutenu plusieurs projets, mais aujourd’hui, la plupart de vos ressources sont destinées à deux refuges pour femme dans l’est du Congo.

En effet. Nous avons démarré à une très petite échelle et, constatant l’utilité de notre travail, nous avons vite réalisé que nos projets étaient trop éloignés les uns des autres. La République Démocratique du Congo est vraiment très vaste et l’infrastructure routière est loin d’être idéale. Ayant été confrontés à un nombre impressionnant de viols souvent barbares de femmes de tout âge, nous avons déci- dé d’ouvrir une maison d’accueil pour les victimes à Bukavu.

 

Nous avons commencé avec six lits superposés et une infirmière qui dispensait les soins de base. En 2010, nous disposions d’une maison plus grande, avec une meilleure infrastructure et en 2012, un deuxième refuge a été ouvert, la Maison de la Femme à Uvira. Les deux maisons emploient du personnel africain, ce  qui est important : ils connaissent la langue, les coutumes locales, la culture et les nombreux clans. À la demande des Congolais, c’est une femme européenne qui dirige le projet.

Quelle est l’origine de ce terrible problème ?

Les conflits qui persistent depuis si longtemps, les bandes armées, la guerre des minerais, la  déstabilisation de la société due aux dysfonctionnements des autorités… À cela s’ajoute la violence domestique, tout comme la place des femmes dans la culture locale. Il y a encore beaucoup de superstitions. L’une de nos principales missions consiste à convaincre les victimes de signaler les violences sexuelles. C’est très difficile car, après un viol, les femmes sont souvent répudiées par leur mari. C’est pourquoi nous mettons aujourd’hui davantage l’accent sur la sensibilisation, afin d’expliquer aux hommes que ce n’est pas la faute de leur femme si elle a été violée. Et qu’en agissant de cette façon, les femmes sont doublement victimes.

 

Mamas for Africa va à la rencontre de ces femmes et de ces filles, parfois dans des  zones  difficilement   accessibles, et les guide vers notre Maison de la Femme de Bukavu ou d’Uvira, où elles peuvent se reposer et trouver un peu de paix. Les femmes qui ont besoin d’une intervention chirurgicale sont dirigées vers le célèbre hôpital de Panzi. À leur sortie de l’hôpital, nous les accueillons à nouveau et leur garantissons l’accompagnement psychologique nécessaire.

Comment Mamas for Africa finance-t- elle ses activités ?

Nous avons commencé très modestement, avec le soutien d’amis et de la famille. Plus tard, nous avons reçu l’aide de la Fondation Roi Baudouin. Aujourd’hui, nous collaborons avec des entreprises qui nous aident à lever des fonds. Nous pouvons également compter sur les efforts de nombreux bénévoles qui organisent toutes sortes d’initiatives pour l’asbl.  L’idéal  serait d’attirer des partenaires structurels, sur une base mensuelle ou annuelle.

 

Mamas for Africa n’est pas une ONG, mais elle applique les standards les plus élevés en matière de transparence, d’intégrité, de déontologie... Sur le terrain, en Afrique, cela se traduit par la reconnaissance et la confiance que nous accordent les autorités locales et la population. D’autres ONG et même les Nations Unies cherchent un rapprochement avec Mamas for Africa pour combler les lacunes actuelles dans l’accueil des femmes vulnérables. Main dans la main, nous travaillons pour améliorer leur situation.

En 2012, la Plate-forme 1325 vous a nommée femme de paix. Quel bilan dressez-vous de votre engagement ?

Avec Mamas for Africa, mon objectif est d’ouvrir la voie et de faire la différence, jour après jour. Le nombre de femmes que nous atteignons augmente ; en même temps, la sensibilisation est un travail de longue haleine, nous devons apprendre aux femmes qu’elles doivent se défendre elles-mêmes et qu’elles ne sont ni inférieures ni coupables. La douleur, la souffrance, l’exclusion et la solitude des victimes me touchent encore aujourd’hui. Et pour paraphraser un prêtre local, même si notre aide n’est qu’une goutte dans un océan, cette goutte peut être un océan pour celui qui l’obtient. C’est pour moi  la plus forte des motivations. Pendant toutes ces années, j’ai appris qu’il ne fallait jamais perdre espoir.

 

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