Loi Breyne: Quand le législateur fait rimer protection et information

L’APRÈS-GUERRE

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que la Belgique en reconstruction connaît un extraordinaire essor économique au point qu’on a parlé du « miracle belge », apparaissent de nouvelles techniques de construction et pratiques juridiques de commercialisation  de biens immeubles.

Stimulé par une demande accrue, le secteur de la construction érige des immeubles à appartements, multiplie les lotissements, propose des maisons industrialisées, et vend « sur plan » et « clé sur porte » au moyen de conventions qu’il a établies.

Pour sa part, le candidat-propriétaire, bien souvent à la recherche du logement d’une vie et peu averti des subtilités de droit mises en œuvre, s’engage avec un professionnel bien conseillé qui cherche à plus ou moins s’exonérer de sa responsabilité.

Dès la fin des années 1950, divers acteurs de la sphère immobilière s’émeuvent de cette situation et lancent des initiatives ayant pour objet la protection et l’information du candi- dat-acquéreur.

Ce sont les banqueroutes de plusieurs promoteurs dont, en 1970, la faillite reten- tissante de la société ETRIMO, et leur impact sur les  économies  de nombreux ménages qui finalement porteront sur les fonts baptismaux la loi du 9 juillet 1971 « régle- mentant la construction d’habitation et la vente d’habitation à construire ou en voie  de construction », également appelée « loi Breyne » du nom de son instigateur, le ministre de la Famille et du Logement de l’époque, Gustaaf Breyne.

 

LA PHILOSOPHIE

Contrairement à ce que son titre officiel peut laisser entendre, la loi Breyne ne contient pas de règles propres à la construction de logement. C’est une loi de protection qui a vocation à faire barrage à certains procédés. Ses lignes de force sont 1) la qualification obligatoire de la convention qui lie le futur propriétaire au promoteur en contrat de vente ou d’entreprise, 2) une protection accrue de l’acquéreur et 3) un devoir d’infor- mation étendu.

 

QUELLE CONVENTION ?

Pour ne pas se faire dépasser par la créa- tivité des juristes,  plutôt que de chercher    à nommer les conventions qui doivent être soumises aux dispositions de la loi, le légis- lateur les a identifiées d’après leur objet.

Ainsi la loi Breyne s’applique-t-elle

1) à toute convention ayant pour objet le transfert de la propriété d’une maison ou d’un appar- tement à construire ou en construction ou portant engagement de construire, faire construire ou de procurer un tel immeuble

2) pour autant qu’il s’agisse d’un immeuble destiné à l’habitation ou à un usage profes- sionnel et d’habitation, et 3) qu’aux termes de la convention, l’acquéreur ou le maître  de l’ouvrage se soit engagé à faire un ou plusieurs paiements avant l’achèvement de la construction.

Il est même prévu qu’à certaines conditions, la loi Breyne doive être respectée lorsque la convention porte sur la transformation ou l’agrandissement d’une maison ou un appartement existant.

La qualité des parties importe donc peu1 : c’est la convention qui les lie qui sera déter- minante pour l’application de la loi Breyne. Un acquéreur-société ou un vendeur non professionnel sera  tout  autant  protégé  ou obligé par la loi qu’un particulier ou le promoteur ayant pignon sur rue.

Quelle que soit donc la structure juridique mise en œuvre, si la finalité de l’opéra- tion est celle décrite par loi, il s’agira d’un contrat de vente ou d’entreprise.

Pour  cette  raison,  les  «  conventions  de réservation » que certains promoteurs font signer aux candidats-acquéreurs préala- blement à la conclusion d’un compromis de vente d’un logement à construire, doivent, sous peine de nullité, répondre aux pres- crits de la loi. Ces « conventions de réser- vation » sont en effet des promesses de vente ou d’achat.

Par contre, si aucun paiement n’est deman- dé à l’acquéreur ou au maître de l’ouvrage avant l’achèvement de la construction, l’opération ne devra pas obligatoirement répondre aux prescrits de la loi.

De même si la convention transfère un bien inachevé ou à l’état de gros-œuvre fermé, en stipulant que le vendeur, promoteur, ou entrepreneur n’est plus tenu à aucune prestation après sa signature parce que le candidat-propriétaire ou maître de l’ou- vrage terminera les travaux lui-même ou avec un tout autre entrepreneur, la loi ne s’appliquera pas.

QUELLE PROTECTION ?

 La protection organisée par la loi intervient à plusieurs stades de l’opération.

Tout  d’abord  la  loi  impose  un  délai  de 15 jours entre la communication des infor- mations    qu’elle    rend    obligatoire    et la conclusion de la convention. Ce délai doit permettre au candidat-propriétaire de mûrir sa réflexion et de ne pas décider sous trop forte pression.

Ensuite, aucun paiement ne peut être demandé ou accepté avant la signature de la convention. Et au moment de sa conclusion, le montant de l’éventuel acompte ne peut dépasser 5 % du prix total.

Le paiement du solde se fera par tranche en fonction de l’avancement des travaux et, dans le cas d’une vente, pas avant la signa- ture de l’acte authentique.

S’agissant d’une vente, alors qu’habituelle- ment la propriété est transférée à l’acqué- reur au moment de la signature de l’acte authentique, dans le cadre de la loi Breyne, le transfert de la propriété du terrain et des constructions déjà érigées s’opère dès la signature du compromis.

Quant au transfert de la propriété des constructions encore à ériger en vertu du contrat de vente ou d’entreprise, il se fera au fur et à mesure de leur incorporation au sol ou à l’immeuble.

Le paiement par tranche et le transfert de propriété immédiat réduisent l’exposition du futur propriétaire aux aléas d’une faillite du vendeur ou de l’entrepreneur.

À ce propos, l’innovation principale de la loi Breyne est l’obligation pour  le  promoteur de  fournir  une  garantie  financière  en vue de l'achèvement des travaux s'il devait faire faillite. Cette garantie à constituer selon les modes imposés par la loi servira en cas de fail- lite à achever la construction ou, dans certains cas, à rembourser l’acquéreur ou maître de l’ouvrage s’il dénonçait la convention.

Toujours dans l’idée de protéger l’acqué- reur ou le maître de l’ouvrage, le trans- fert des risques, c’est-à-dire le moment à partir duquel la perte du bien devient l’af- faire du propriétaire, opère à la livraison des constructions achevées, la « réception provisoire ».

Jusque-là, toute déperdition du bien sera  de la responsabilité du vendeur, promo- teur ou entrepreneur alors que l’acquéreur ou maître de l’ouvrage est pourtant déjà propriétaire  des constructions.

Signalons encore que la responsabilité décennale des architectes et entrepreneurs en vertu du Code civil, est élargie au vendeur.

QUELLE INFORMATION ?

Il ne fait aucun doute pour le législateur qu’une information complète et correcte participe également de la protection du futur propriétaire.

Il a donc veillé, nous l’avons vu, à ce que cette information soit préalable à la conclu- sion de la convention et il en a défini le contenu minimal.

Parmi les données que doit obligatoire- ment reprendre la convention, relevons les suivantes :

Le futur propriétaire doit également se voir remettre une série de documents dont les plans et les cahiers des charges précis et détaillés.

Enfin, dans le but d’instruire le futur propriétaire  de  ses  droits,  la  loi Breyne impose la reproduction intégrale de deux de ses articles dans la convention. Le premier énonce les informations et documents que le promoteur doit communiquer et le second explique la garantie financière que le promoteur doit fournir.

La loi Breyne n’est sans doute pas une solution parfaite. Elle a d’ailleurs déjà connu une modification et des suggestions d’adaptations sont régulièrement émises. Elle constitue toutefois la première ligne de défense de l’acquéreur ou du maître d’ouvrage d’un logement en construction. Encore faut-il être vigilant à ce qu’elle soit bien respectée. 

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