Ajoutons à cela que les droits de succession sont fréquemment acquittés deux fois sur ce patrimoine des grands-parents : une première fois par les enfants et une seconde fois par les petits-enfants, au décès de leurs parents respectifs.
Exemple : un grand-père a 2 enfants, qui ont eux aussi chacun 2 enfants. Son patrimoine mobilier s’élève à 1.000.000 d’euros. Au décès du grand-père, ses 2 enfants paieront ensemble 170.600 euros de droits de succession à Bruxelles, 172.500 euros en Wallonie et 174.000 euros en Flandre. Au décès des enfants, les 4 petits-enfants paieront ensemble 70.492 euros de droits de succession à Bruxelles ; 73.948 euros en Wallonie et 62.340 euros en Flandre. Cela représente une facture totale de 241.092 euros à Bruxelles, 246.448 euros en Wallonie 236.340 euros en Flandre.
En effet, les héritiers en ligne directe (soit les enfants et petits-enfants) sont imposés sur la part nette qu’ils recueillent dans la succession. En divisant la succession en autant d’héritiers que possible, vous pouvez contrer la progressivité des droits de succession et réaliser de fort belles économies. La technique du saut de génération – qui consiste à associer les petits-enfants à la planification – repose précisément sur cette idée. Le nombre de petits-enfants étant plus souvent supérieur au nombre des enfants, les parts recueillies seront de moindre importance et donc soumises à des tarifs de droits moins élevés.
Quelles sont les différentes possibilités ?
Une première possibilité consiste à inviter les enfants à renoncer à la succession. Ce procédé permet en effet depuis 2013 d’attribuer la quote-part de vos enfants à vos petits-enfants.
Il présente toutefois trois inconvénients. Vous dépendez tout d’abord du bon vouloir de vos enfants car la décision de renoncer à la succession leur appartient à eux seuls. C’est ensuite une solution « tout ou rien », la renonciation ne pouvant pas se limiter à une partie déterminée de l’héritage. Enfin, les droits de succession restent dus, mais cette fois dans le chef de chaque petit-enfant.
L’avantage, c’est que les petits-enfants recueillent la manne financière au moment où ils en ont le plus besoin. Ensuite, les droits de succession ne doivent être acquittés qu’une seule fois, étant toutefois entendu que le montant total de ceux-ci ne peut être inférieur à ceux que les enfants auraient payés s’ils avaient hérité.
Dans l’exemple ci-dessus, cela signifie que les droits de succession dus par les 4 petits-enfants au décès de leur grand-père s’élèveront à 170.600 euros à Bruxelles, 172.500 euros en Wallonie et 174.000 euros en Flandre. Cela signifiera une économie réalisée de 70.492 euros à Bruxelles, 73.948 euros en Wallonie et 62.340 euros en Flandre.
À ce sujet, nous souhaitons attirer votre attention sur l’intention du Gouvernement flamand de remédier dans le futur à cet inconvénient fiscal. Il prépare en effet un projet de décret prévoyant notamment de faire bénéficier les petits-enfants des mêmes avantages fiscaux (tarifs réduits, exonération et réductions) que ceux que leur parent aurait pu invoquer à défaut de renonciation. Ce faisant, cette technique pourrait à l’avenir permettre de réaliser des économies s’il y a plusieurs petits-enfants.
Dans ce cas, vous ne dépendez pas du bon vouloir de vos enfants. Vous pouvez consentir un legs (limité) à vos petits-enfants par testament.
Un testament établi en faveur de vos petits-enfants sera toutefois limité par la réserve héréditaire de vos enfants, à savoir la quote-part que la loi leur réserve. Il n’est pas possible d’y déroger. Vous ne pouvez donc disposer librement que de la quotité disponible.
À l’heure actuelle, la réserve et la quotité disponible dépendent du nombre d’enfants. Dans notre exemple, la réserve des enfants correspond à 2/3 de la masse fictive (succession + donations consenties par le passé – frais). Par conséquent, vous pouvez librement disposer d’1/3 de votre patrimoine par testament, au profit de vos petits-enfants. Nous attirons votre attention sur le fait que les règles de la réserve et la quotité disponible changeront à partir du 1er septembre 2018. Après cette date, vous aurez une plus grande disponibilité vu que la quotité disponible correspondra toujours à la moitié de la masse fictive, quel que soit le nombre d’enfant que vous avez.
Les testaments ne sont pas soumis à la restriction que les droits de succession ne pourront pas être inférieurs à ceux qui auraient été dus en cas d’acceptation par les enfants.
Un testament est révocable à tout moment, de sorte que vous pouvez toujours modifier votre planification successorale en fonction des besoins liés à votre situation familiale.
Nous attirons cependant votre attention sur le fait que l’acceptation de votre succession par vos petits-enfants mineurs requiert toujours l’autorisation du juge de paix. Tel que souligné, votre succession devra par ailleurs être suffisamment importante compte tenu de la réserve de vos enfants.
Cette technique dérogeant à la dévolution légale n’est pas non plus soumise à la restriction que les droits de succession doivent être égaux aux droits dus dans le cas d’acceptation par les enfants.
Au moyen d’un « testament de grand-père », le grand-parent institue ses enfants légataires universels (ils reçoivent l’intégralité de la succession) et c’est à eux que revient la charge de payer un montant nominal aux petits-enfants. Ces derniers obtiennent ainsi une créance à l’égard de leurs parents qui sont un enfant du grand-parent, qu’ils ne pourront toutefois exiger qu’au décès de ce parent. L’économie de droits de succession ainsi générée peut être considérable. Les enfants paieront les droits sur ce qu’ils recueillent après déduction du montant dont héritent les petits-enfants. Les petits-enfants paient quant à eux des droits sur leur créance. Au décès des enfants, ladite créance est déduite de l’actif successoral de sorte que les droits de succession ne sont calculés que sur le solde.
Il faut toutefois garder à l’esprit que les grands-parents ne pourront disposer au bénéfice de leurs petits-enfants qu’à concurrence de la quotité disponible. La réserve, cette partie du patrimoine du défunt que la loi attribue de manière intangible à certains héritiers, doit être respectée. Dans notre exemple, la réserve de chacun des enfants est (actuellement) d’un tiers de sorte que le grand-père ne peut disposer que d’un tiers de son patrimoine au bénéfice de ses petits-enfants. À partir du 1erseptembre 2018, la quotité disponible sera égale à la moitié de la masse fictive.
Reprenons l’exemple pour illustrer notre propos. Un grand-père a deux enfants qui à leur tour ont deux enfants. Son patrimoine mobilier s’élève à 1.000.000 euros. Si le grand-père n’entreprend rien et décède, les droits de succession s’élèveront à un total de 241.092 euros à Bruxelles, 246.448 euros en Wallonie et 236.340 euros en Flandre.
Supposons que le grand-père rédige un « testament de grand-père » par lequel il institue ses enfants légataires universels et leur lègue l’intégralité de son patrimoine. Il leur impose toutefois la charge de payer une somme d’argent à leurs enfants respectifs, ses petits-enfants.
Compte tenu des droits successoraux (actuellement) réservés par la loi aux enfants (la réserve), le grand-père peut attribuer à chacun de ses petits-enfants une somme de 83.333 euros (la charge). À partir du 1er septembre 2018, la somme à attribuer à chaque petit-enfant s’élèvera à 125.000 euros.
Situation avant le 1er septembre 2018 :
Testament grand-père |
|||
Avant 01.09.2018 |
Bruxelles |
Wallonie |
Flandre |
Succession du grand-père |
1.000.000 euros |
1.000.000 euros |
1.000.000 euros |
Réserve par enfant |
333.333 euros |
333.333 euros |
333.333 euros |
Quotité disponible |
333.333 euros |
333.333 euros |
333.333 euros |
|
|
|
|
1er Décès (grand-père †) |
|
|
|
Héritage par enfant |
333.333 euros |
333.333 euros |
333.333 euros |
Droits de succession par enfant |
45.300 euros |
46.250 euros |
42.000 euros |
Héritage (charge) par petit-enfant |
83.333 euros |
83.333 euros |
83.333 euros |
Droits de succession par petit-enfant |
4.167 euros |
4.458 euros |
4.500 euros |
Droits de succession 1er † |
107.268 euros |
110.332 euros |
102.000 euros |
|
|
|
|
2ième décès (enfants †) |
|
|
|
Chaque petit-enfant reçoit la charge |
83.333 euros |
83.333 euros |
83.333 euros |
Héritage par petit-enfant |
144.017 euros |
143.542 euros |
145.667 euros |
Droits de succession par petit-enfant |
9.011 euros |
9.604 euros |
10.110 euros |
Droits de succession 2ième † |
36.044 euros |
38.416 euros |
40.440 euros |
|
|
|
|
Droits de succession après 2 † |
143.312 euros |
148.748 euros |
142.440 euros |
Économie par rapport à la situation actuelle |
97.780 euros |
97.700 euros |
93.900 euros |
Situation après le 1er septembre 2018 :
Testament grand-père |
|||
Après 01.09.2018 |
Bruxelles |
Wallonie |
Flandre |
Succession du grand-père |
1.000.000 euros |
1.000.000 euros |
1.000.000 euros |
Réserve par enfant |
250.000 euros |
250.000 euros |
250.000 euros |
Quotité disponible |
500.000 euros |
500.000 euros |
500.000 euros |
|
|
|
|
1er Décès (grand-père †) |
|
|
|
Héritage par enfant |
250.000 euros |
250.000 euros |
250.000 euros |
Droits de succession par enfant |
25.300 euros |
26.250 euros |
19.500 euros |
Héritage (charge) par petit-enfant |
125.000 euros |
125.000 euros |
125.000 euros |
Droits de succession par petit-enfant |
7.750 euros |
8.125 euros |
8.250 euros |
Droits de succession 1er † |
81.600 euros |
85.000 euros |
72.000 euros |
|
|
|
|
2ième décès (enfants †) |
|
|
|
Chaque petit-enfant reçoit la charge |
125.000 euros |
125.000 euros |
125.000 euros |
Héritage par petit-enfant |
112.350 euros |
111.875 euros |
115.250 euros |
Droits de succession par petit-enfant |
6.161 euros |
5.937 euros |
7.373 euros |
Droits de succession 2ième † |
24.644 euros |
23.748 euros |
29.490 euros |
|
|
|
|
Droits de succession après 2 † |
106.244 euros |
108.748 euros |
101.190 euros |
Économie par rapport à la situation actuelle |
134.848 euros |
137.700 euros |
134.850 euros |
En résumé, la technique du « testament grand-père », répond à deux préoccupations très actuelles : du fait du vieillissement de la population, les enfants héritent toujours plus tard de leur parents et les héritages successifs (du grand-parent à l’enfant et de l’enfant au petit-enfant) entraînent une double taxation aux droits de succession.
Par le truchement d’une charge, le testament peut prévoir une clause au bénéfice des petits-enfants à naître. Ainsi une charge peut-elle être imposée aux enfants au bénéfice des éventuels petits-enfants à venir.
Il y a lieu de préciser qu’il n’existe pas de solution globale et unique puisque chaque cas est différent. Il faut être particulièrement attentif notamment si certains des petits-enfants sont encore mineurs. Il est dès lors recommandé de consulter préalablement un spécialiste en matière de planification pour réfléchir à la mise en œuvre d’une telle solution.