La nouvelle salve de tarifs douaniers de Trump

La réponse de Xi a été très mesurée : il a imposé, à son tour, des droits de douane à hauteur de seulement 5 à 10 % sur 60 milliards de dollars d'importations américaines. Il laisse donc la porte ouverte à une solution négociée. Cependant, de nombreux observateurs sont convaincus que les négociations seront difficiles car les demandes adressées par les États-Unis à la Chine sont irréalistes. En particulier l'appel à démanteler des secteurs clés de la politique « made in China 2025 » de Xi, qui vise à faire de la Chine un leader mondial des nouvelles technologies telles que l' « Intelligence Artificielle » (IA) sera inacceptable pour Bejing. Selon ces observateurs, l'escalade de la guerre commerciale initiée par Trump fait partie intégrante d'une « Grande stratégie ». Elle vise à empêcher la Chine de devenir une puissance mondiale et elle pourrait déclencher une bataille prolongée de dominance économique. 

Les retombées macroéconomiques des nouvelles mesures devraient être limitées à court terme. Cependant, nous nous inquiétons de l'impact à long terme sur les chaînes d'approvisionnement, les décisions d'investissement et les conséquences géopolitiques. La capacité de Trump à mettre en œuvre sa stratégie dépendra largement de son assise politique dans son pays. Cela pourrait donner l'opportunité à la Chine de gagner du temps et d'éviter le pire.

L'impact macroéconomique

L’impact semble limité à court terme. Les États-Unis sont une économie relativement fermée, dont les échanges commerciaux représentent environ 13 % du PIB. Par contre, la Chine est un partenaire commercial de premier plan qui représente autour de 20 % des importations américaines. Toutefois, des tarifs douaniers à hauteur de 10 % sur 200 milliards de dollars ne semblent pas suffisants pour porter atteinte aux 20 000 milliards de dollars que représente l'économie américaine florissante à ce stade, pour plusieurs raisons :

  • La déviation des flux commerciaux par d'autres pays devrait permettre d'éviter des tarifs douaniers, ou tout au moins de les atténuer.
  • La dépréciation du renminbi face au dollar (8 % cette année) compense en partie l'impact sur les volumes commerciaux.
  • Un autre point capital est le fait que les dernières mesures annoncées par Trump omettent, pour le moment, des tarifs douaniers sur l'importation de 300 produits de haute technologie. Cela pourrait donner à penser qu'il subit sans doute les pressions de grands groupes comme Apple et Alphabet pour ne pas aller trop loin, ce qui risquerait de menacer leurs valorisations boursières élevées.
  • Alors que Trump intensifie le bras de fer avec la Chine, la bataille commerciale avec l'Europe, un autre partenaire commercial de poids, est désamorcée. Par ailleurs, un nouveau traité a été signé avec le Mexique et le Canada. Les États-Unis ont donc mis un terme à leurs différends avec trois de ses quatre plus importants partenaires commerciaux. Certes, l'accord conclu avec l'Europe semble fragile aussi longtemps que Trump occupera la Maison Blanche. Il y a quelques semaines, le président américain a déclaré au sujet de l'Europe qu'elle « fait autant de mal que la Chine, sauf qu'elle est plus petite ». Il est à espérer que même Trump réalise à présent qu'il ne peut pas aliéner tous ses alliés et qu'il doit choisir soigneusement ses batailles.

Globalement, l'impact direct sur les volumes commerciaux et la croissance semble raisonnable.

L'impact sur l'inflation

Il s'agit essentiellement d'une taxe sur les Américains. Les droits de douane devront être répercutés sur les consommateurs et entreprises américains. Cela mènera donc à une hausse des prix. En théorie, les entreprises pourraient atténuer l'impact en abaissant leurs marges, mais nous ne tablerons pas sur cette éventualité compte tenu de la solidité de l'économie américaine. Là encore, l'impact sur les prix des tarifs douaniers annoncés sera faible. Les analystes envisagent une hausse modérée de 0,1 % de l'inflation pendant un an environ, une évolution que la Réserve fédérale devrait « ignorer » pour définir sa politique.

Les inquiétudes quant à l'impact à long terme persistent

Les coûts macroéconomiques directs des mesures annoncées semblent limités. Nous sommes plus inquiets concernant les coûts à long terme. En premier lieu, il est de plus en plus évident que, sous Trump, l'administration américaine offre peu, voire aucun, frein et contrepoids. Elle ne fait qu’exécuter les décisions du Président. À titre d’exemple, le secrétaire d'État au Trésor, Steven Mnuchin, avait essayé de relancer les négociations commerciales avec la Chine mais, encore une fois, son impulsif et imprévisible patron lui avait coupé l'herbe sous le pied. Pour les partenaires commerciaux des États-Unis, cela rend les discussions avec les représentants commerciaux américains inutiles, à moins d'être directement en contact avec le président.

Deuxièmement, l'impact sur les chaînes d'approvisionnement complexes des entreprises est difficile à jauger puisque la façon dont les entreprises sont organisées a significativement changé au cours des dernières décennies. Ainsi, l'impact microéconomique pourrait être plus important que les conséquences macroéconomiques directes. C'est sans doute la raison pour laquelle une communauté d'entreprises de plus en plus inquiètes essaie de porter son message d'une manière moins conflictuelle au président. Le fait qu'il ait exclu des composants technologiques de la liste actuelle semble l'attester. Pourtant, le climat d'incertitude pourrait avoir une influence sur la confiance des industriels et reporter des décisions d'investissement importantes de grands groupes. Ces derniers pourraient tout simplement différer des investissements dans l'attente d'une clarification sur le front commercial. Enfin, l'impact inflationniste des mesures actuelles est limité en général, mais il pourrait toucher de manière disproportionnée les consommateurs américains plus faibles.

Toute hausse des prix des produits importés commercialisés par Walmart, une enseigne bon marché, sera difficile à avaler pour les personnes qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts aujourd'hui, ce qui affectera la confiance des consommateurs. Selon un récent sondage Gallup, 60 % des Américains désapprouvent les politiques tarifaires de Trump. Avec la nation telle qu'elle est divisée aujourd'hui, les tensions sociales pourraient facilement s'exacerber si les prix des biens de consommation de base venaient à augmenter.

Au fil du temps, les choses pourraient se détériorer avec une chute de la confiance. C'est la raison pour laquelle nous anticipons une poursuite du ralentissement de la croissance d'ici 2020. Si Trump augmente les tarifs douaniers à 25 % en 2019 et qu'il met en place de nouveaux tarifs sur 267 milliards de dollars d'importations chinoises, qui ne sont pas impactées actuellement, les conséquences macroéconomiques seront plus sévères…

Les hommes politiques détiennent la clé

L'adoption de ces mesures dépend largement des politiques américaines internes. Contrairement à Xi, Trump doit tenir compte des élections de mi-mandat et des groupes d'intérêt domestiques. Xi sait qu'il a la main politique dans cette bataille et semble gagner du temps en exerçant des représailles mesurées. En effet, le Congrès devrait avoir le dernier mot sur les accords et conventions commerciaux et tarifaires, à moins que la sécurité nationale ne soit en jeu.

Aussi, les élections de mi-mandat pourraient constituer une première étape dans la désescalade de la guerre commerciale, si les démocrates parviennent à reprendre le contrôle de la Chambre des représentants. Un repli des marchés boursiers pourrait également signifier à Trump qu'il nuit à l'économie ; il a montré par le passé qu'il était sensible à l'évolution de la Bourse comme indicateur économique. Pour l'heure, les marchés sont plutôt soulagés de constater que la porte des négociations demeure ouverte et que les tarifs douaniers demeurent limités à 10 %, un scénario qui semble pleinement pris en compte dans les cours actuels, les marchés maintenant à leur niveau. Cela pourrait changer si Trump continue de jouer l'escalade.     

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