France : liste de tâches du nouveau président

Le grand choix n'oppose plus la gauche et la droite, mais s'effectue entre un monde ouvert et globalisé et un monde replié sur lui-même, à l'intérieur de ses frontières. En France aussi, un pays qui se targue à juste titre d'être le père intellectuel de l'Europe, la menace du « Frexit » s'est faite plus pressante. Des hommes politiques français célèbres comme Jean Monet, Jacques Delors et Robert Schuman ont façonné l'Europe. Que ce soit précisément dans leur patrie que les sentiments anti-européens soient tellement forts qu'une grande partie de la population veuille sortir de l'Europe indique l'état de délabrement de la France et du moral de ses citoyens. La tâche qui attend le nouveau président, afin de remettre ce pays partagé et radicalisé sur de nouveaux rails, ne sera pas simple.

LA grande mission: remédier au pessimisme des Français

Le grand mécontentement des Français concernant la situation actuelle a été largement relayé par une enquête internationale Ipsos réalisée fin 2016. Il avait été demandé aux citoyens s'ils estimaient que leur pays était sur la bonne ou la mauvaise voie. Résultat ? Les Français sont le peuple le plus pessimiste au monde : pas moins de 88 % ont déclaré leur pays sur la mauvaise pente. « Le jour de gloire » de la Marseillaise semble bien loin de la réalité quotidienne de la plupart des Français. Remédier à ce désarroi constituera LA grande mission du nouveau président.

Le premier point sur sa liste de tâches sera sans aucun doute une réforme radicale de l'économie et du marché du travail de la France. L'économie française affiche une croissance très lente depuis des années : elle dépasse à peine 1 % et se situe largement sous la moyenne européenne. Les dépenses publiques élevées (avec 57 % du PNB, 2e pays présentant les dépenses publiques les plus élevées au monde après la Finlande) et la réglementation excessive ont manifestement vidé le système économique de toute sa vitalité. Pour financer ces dépenses publiques, la charge fiscale est très élevée. Nombre de jeunes et talentueux entrepreneurs et travailleurs n'envisagent pas de travailler dans cet environnement. La fine fleur des jeunes Français hautement qualifiés a quitté massivement le pays : il vit plus de Français à Londres qu'à Bordeaux, Nantes, Nice ou Strasbourg ! Outre les dépenses publiques somptuaires, la réglementation rigide du marché de l'emploi constitue elle aussi un frein au développement économique. Ce n'est pas une nouveauté : en 2001 (juste après l'introduction de la semaine de travail de 35 heures), l'illustre économiste américain Rudi Dornbusch écrivait déjà que la France devait choisir entre des « réformes douloureuses » et une « lente déchéance ». Il est évident que le manque de courage politique indispensable pour choisir la première option est à l'origine de la seconde... Les problèmes sur le marché de l'emploi n'ont fait qu'empirer depuis 2001. Depuis l'introduction de l'euro, la France n'a rien fait pour combler les écarts salariaux croissants avec l'Allemagne. Et vu que de nombreux pays ont effectivement pris des mesures pour réduire les coûts salariaux, le pays n'a fait que reculer en termes de compétitivité. L’analyse de l'évolution du compte courant montre une hausse du déficit extérieur de la France, malgré la faible croissance, ce qui indique un manque criant de compétitivité.

Expliquer aux citoyens que, sans efforts supplémentaires, le pays ne sortira jamais du marasme économique dans lequel il s'est enlisé, sera la principale gageure du nouveau président. Macron s'en sera bien rendu compte lui-même, comme en témoigne le chemin de croix que fut sa tentative antérieure de rendre le système français figé plus flexible. Pour pouvoir appliquer la « loi Macron », qui tentait globalement d'instaurer de timides réformes concernant le travail de nuit ou le travail du dimanche, le transport en bus et les professions libérales, il a fallu recourir à la procédure d'urgence spéciale pour contourner le parlement ! Ce qui généré une nouvelle fois des manifestations dans les rues. La question est donc de savoir si la nouvelle équipe aura le courage de contrer les protestations que soulèveront les réformes nécessaires.

Outre la situation économique, d'autres problèmes se posent également. Les attaques terroristes répétées des dernières années ont profondément choqué la France. Depuis, la France vit en état de siège et le fossé culturel dans ce pays, qui compte la plus grande communauté musulmane d'Europe, peut être difficilement plus profond. Malheureusement, personne ne sait comment gérer cette menace terroriste permanente.

Enfin, la culture politique française devra également changer. Toute l'affaire autour du candidat à la présidence Fillon, dont l'épouse avait été employée pendant des années comme collaboratrice parlementaire, manifestement sans jamais avoir mis les pieds au bureau, montre douloureusement combien la classe politique a perdu le contact avec la base. Le refus de Fillon de retirer sa candidature, malgré des promesses antérieures, a été lourdement sanctionné par l'électeur. Il est probable que toute cette affaire ait coûté la présidence aux Républicains...

Bref, le nouveau président aura un agenda bien chargé. La France devra choisir à quoi elle affectera ses ressources : sécurité, dépenses sociales ou renforcement de la viabilité économique. En l'occurrence, le monde politique devra bien communiquer avec une population effrayée et en colère, très méfiante à l'égard des réformes. Ce sera sans aucun doute une mission difficile, qui nécessitera plus d'un quinquennat. Mais il devient néanmoins urgent de s'attaquer à cet agenda. L'importance de réussir ces réformes dépasse l'intérêt national français : si l'on parvient à les instaurer, un potentiel de croissance gigantesque s'ouvrira au sein de l'Europe. La réussite des réformes françaises pourrait, dans ce sens, constituer la pièce maîtresse de la sortie de la crise européenne.

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