Comme nous l'avons déjà indiqué dans notre Analyses Monthly de février dernier, la situation fiscale des non-résidents espagnols était, jusqu'il y a peu, simple mais pas toujours avantageuse. Quelle que soit la région dans laquelle l'immeuble était sis, c’étaient toujours les règles fédérales qui s'appliquaient, notamment en matière d'impôt sur la fortune, de droits de donation et de droits de succession.
Les choses ont changé depuis le 1er janvier 2015. Suite à la condamnation de l'Espagne par la Cour européenne de Justice, le Reform Act a été adapté en ce sens qu'il permet dorénavant aussi aux non-résidents espagnols d'opter pour l'application de la législation fiscale d'une des 17 régions autonomes.
Vous avez hésité, pesé le pour et le contre, réfléchi à tête reposée et le sort en est finalement jeté : vous allez devenir propriétaire d'un bien immobilier en Espagne !
Le premier impôt auquel vous serez confronté sera le droit de mutation (6 % - 10 %, selon la région), qui se calcule sur la valeur de vente de l'immeuble. En revanche, si vous optez pour un bâtiment neuf ou si vous achetez un immeuble par l'intermédiaire d'un promoteur, c'est la TVA qui sera due à concurrence de 21 %. Vous devez bien entendu tenir compte aussi des frais additionnels (frais de notaire, droits de timbre,...) qui oscillent entre 1,9 et 3,2 %.
Dès que l'acquisition sera finalisée et que votre pied-à-terre sera enregistré à votre nom, vous serez redevable de l'impôt espagnol sur la fortune, lequel est établi d'après la valeur nette (c'est-à-dire déduction faite du crédit contracté en vue de financer l'acquisition) de votre immeuble espagnol.
L'impôt sur la fortune est en principe dû par le plein propriétaire. En cas de démembrement de la propriété, le nu-propriétaire et l'usufruitier sont débiteurs de cet impôt, chacun au prorata de leur partie.
Concernant l'évaluation de l'usufruit, les règles espagnoles retiennent le point de départ suivant : la valeur de l'usufruit correspond à 70 % de la valeur en pleine propriété lorsque l'usufruitier est âgé de moins de 20 ans. Chaque année qui s'écoule à partir de ce moment réduit la valeur de l'usufruit de 1 %, jusqu'à ce qu'elle atteigne le seuil absolu de 10 %.
Jusqu'au 31 décembre 2014, les non-résidents espagnols étaient toujours soumis à l'exonération fédérale (700.000 EUR par contribuable) et aux taux fédéraux (0,2 % - 2,5 %). Mais depuis le 1 er janvier 2015, ils peuvent aussi opter pour l'application de la réglementation régionale.
Vous trouverez ci-dessous un aperçu des différentes régions.
Outre l'impôt sur la fortune, vous serez redevable chaque année d'un impôt foncier communal calculé notamment en fonction de la « valor catastral », de l'usage et de l'emplacement du bien.
Mais les choses ne s'en arrêtent pas là ! À l'instar de la Belgique, l'Espagne attend de votre part que vous déposiez chaque année une déclaration d’impôt sur les revenus et – comment pourrait-il en aller autrement – que vous payiez l'impôt espagnol sur les revenus. Une distinction est opérée en la matière, entre l'usage privé et professionnel.
En cas d'usage privé, un revenu fictif est fixé à 2 % ou 1,1 % de la « valor catastral », selon que la valeur cadastrale a été déterminée avant ou après le 31 décembre 1994.
En revanche, si vous donnez votre villa en location à des tiers, vous serez imposable sur les revenus locatifs nets réellement perçus (pour les résidents de l'UE). Si vous ne louez votre immeuble que sporadiquement ou que comme maison de vacances, il y aura lieu d'appliquer une combinaison de ces deux techniques. Les revenus locatifs imposables ainsi perçus seront soumis à un taux compris entre 20 et 47 % (2016 : abaissement des taux à 19 % -45 %).
De même, la plus-value que vous réaliserez à l'occasion de la vente de votre bien espagnol sera évidemment – vous vous en doutez – imposée en Espagne.
D'une manière générale, la plus-value correspond à la différence entre la valeur de vente de l'immeuble et sa valeur d'acquisition. Ces deux montants peuvent toujours être corrigés en fonction des frais liés à l'acquisition et à la vente, mais la correction (spécifique) de la valeur d'acquisition a été abrogée au 1 er janvier 2015.
Dès que le profit tiré de cette vente aura été déterminé avec précision, ce « revenu de l'épargne » sera soumis à l'impôt espagnol sur les revenus (taux applicables en 2015 : 20 % -24 % ; en 2016 : 19 % - 23 %).
Ayant la qualité de vendeur non-résident, vous ne percevrez pas l'intégralité du prix de vente. En effet, l'acquéreur devra retenir un « acompte » de 3 % sur l'impôt frappant la plus-value dont vous serez redevable, et la reverser au fisc espagnol. Cet acompte sera déduit ultérieurement de l'impôt effectivement dû sur la plus-value, moyennant toutefois le dépôt des formulaires requis.
Ce qui précède concerne les plus-values réalisées sur les immeubles. Sachez toutefois qu'en cas de vente, un impôt communal sera également dû sur la plus-value du terrain. Cet impôt local se calcule en fonction du revenu cadastral et varie d'une commune à l'autre.
L'histoire ne se termine d'ailleurs pas ici sur le plan de l'impôt sur les revenus : la Belgique voudra également sa part du gâteau fiscal et attendra de votre part que vous fassiez chaque année la déclaration de vos « revenus locatifs » étrangers. La Belgique exonérera toutefois ces revenus, en tenant compte d'une réserve de progressivité (l'effet dit « de poussée »), en vertu de la convention préventive de double imposition conclue entre la Belgique et l'Espagne.
Concernant la plus-value espagnole, les choses sont relativement simples : la convention précitée attribue en effet expressément le pouvoir d'imposition en la matière à l'Espagne, de sorte qu'aucun impôt belge ne sera dû sur la plus-value.
Et nous en arrivons au moment que nous redoutons tous : le passage de vie à trépas.
Benjamin Franklin n'avait pas manqué de le remarquer : « In this world nothing can be certain, except death and taxes ! » Les droits de succession concilient ces deux certitudes d'une manière particulièrement douloureuse.
Au moment du décès, l'Espagne prélèvera des droits de succession sur la valeur nette de l'immeuble espagnol. Depuis le 1 er janvier 2015, vos héritiers disposent d'un choix : ils peuvent opter pour l'application soit de la législation fédérale en matière de droits de succession, soit pour la réglementation régionale. Dans ce dernier cas, un facteur de rattachement doit bien entendu exister avec la région autonome concernée, in casu la région dans laquelle l'immeuble est sis.
La législation fédérale prévoit une issue relativement onéreuse. L'exonération est plafonnée à 16.000 EUR par héritier et les taux varient entre 7,65 et 34 %. Les régions autonomes prévoient en revanche souvent des exonérations plus élevées et/ou des taux plus faibles et/ou des crédits d'impôt.
Avant de faire un choix, vos héritiers ont tout intérêt à solliciter le conseil d'un spécialiste sur place. En effet, il n'est pas évident d'identifier votre avantage lorsque vous êtes confronté à 18 réglementations différentes.
C'est tout pour l'Espagne... Mais la Belgique se mêlera aussi de votre succession. Étant donné qu'aucune convention préventive de double imposition n'a été conclue entre la Belgique et l'Espagne en matière de droits de succession, vous devrez acquitter des droits de succession sur la valeur nette de votre rêve espagnol aussi bien en Espagne qu'en Belgique. Mais fortheureusement, des règles internes belges permettent d'atténuer quelque peu cette douloureusefiscale en prévoyant une imputation des droits de succession payés en Espagne.
Différentes pistes existent, chacune étant bien entendu assortie de ses propres conséquences, ainsi que de ses propres avantages et inconvénients. Vous pouvez par exemple acquérir votre pied-à-terre espagnol par l'intermédiaire d'une société belge ou espagnole. Cette technique peut fonctionner, à condition qu'il ne soit pas question d'une société immobilière (espagnole), à savoir une société détenant des immeubles espagnols dont la valeur représente plus de 50 % des actifs.
Vous pouvez également opter pour une acquisition scindée, dans le cadre de laquelle vous achetez l'usufruit et vos enfants, la nue-propriété.
Outre les aspects spécifiquement belges (disposition anti-abus), vous devez savoir que cette technique ne fonctionne pas en Espagne de manière aussi optimale qu'en Belgique. En effet, un droit de mutation devra être acquitté sur la valeur de l'usufruit au moment du décès de l'usufruitier.
Nous illustrons ce qui précède par un exemple : imaginons que vous achetiez un immeuble de 1.000.000 EUR et que votre usufruit corresponde, à la date d'acquisition, à 20 % de la valeur en pleine propriété. Lorsque vous décéderez des années plus tard et que l'appartement aura atteint une valeur de 1.500.000 EUR à ce moment, vos enfants devront acquitter un droit de mutation (6 % - 10 %) sur 300.000 EUR (20 % de 1.500.000 EUR).
Vous pouvez aussi financer l'acquisition par un crédit. Dans ce cas, il faudra analyser la meilleure manière de structurer ce crédit.
Si vous êtes déjà propriétaire d'une finca, vous pouvez envisager de consentir une donation à vos enfants. Mais sachez que les droits de donation et de succession espagnols sont identiques. Aucun droit de donation belge ne sera en revanche dû en cas de mise en œuvre de cette technique.
Par ailleurs, le donateur devra payer in casu un impôt sur la plus-value compte tenu de la fiction espagnole d'après laquelle cette donation est considérée comme une vente.
Vous l'aurez remarqué : l'acquisition et la détention d'un immeuble espagnol sont loin d'être une évidence et doivent être structurées de manière adéquate. Il s'avère en outre difficile de distinguer l'arbre de la forêt en raison des différences fiscales entre les régions. Il est dès lors vivement recommandé de consulter un spécialiste en la matière ! Si vous le souhaitez, nous pouvons vous aider à franchir les premières étapes sur le chemin de votre quiétude fiscale.