Taxe Caïman : Une nouvelle étape dans la lutte contre la fraude fiscale

Placer en toute discrétion sa fortune à l’étranger a longtemps été une façon, parmi d’autres, d’échapper à ses obligations fiscales. Mais les temps ont changé et la lutte contre la fraude fiscale s’est considérablement intensifiée. Au niveau international, cette lutte contre la fraude fiscale s’est traduite par l’adoption de règles sur l’échange automatique d’informations fiscales (directive européenne sur la fiscalité de l’épargne, directive européenne sur la coopération administrative en matière fiscale, législation FATCA, modèle « CRS » de l’OCDE, …). Grâce à toutes ces informations communiquées par les Etats étrangers, le fisc belge pourra prélever correctement l’impôt sur les revenus encaissés par les contribuables belges à l’étranger. A très court terme (2018 au plus tard), l’échange d’informations portera sur le montant des intérêts encaissés, sur celui des dividendes, des plus-values, des revenus immobiliers, sur le solde des comptes, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie, ...

Au niveau belge, les obligations déclaratives des contribuables ont été progressivement étendues ; elles visent les comptes à l’étranger, les assurances-vie, et dernièrement les constructions juridiques étrangères. En complément de cette dernière obligation déclarative, le gouvernement a décidé de taxer, dans le chef des personnes physiques et des personnes soumises à l’impôt des personnes morales (ASBL et fondations), les revenus des constructions juridiques étrangères, dorénavant considérées, sauf exceptions, comme fiscalement transparentes. C’est la fameuse « taxe Caïman ».

Quelles sont les constructions juridiques visées par la "taxe Caïman" ?

Sont visées d’une part les entités étrangères sans personnalité juridique (essentiellement les trusts), et d’autre part les entités étrangères ayant la personnalité juridique et qui ne sont pas soumises à l’impôt sur les revenus ou qui sont soumises à un impôt inférieur à 15%.

Pour cette seconde catégorie, deux Arrêtés Royaux du 23 août 2015 révèlent la liste des entités qui tomberont sous le coup de ce nouveau dispositif.

On y retrouve notamment la Stiftung de droit liechtensteinois, l’Anstalt du même pays, la Société de Gestion de Patrimoine Familiale de droit luxembourgeois, la société panaméenne, les BVI (abréviation désignant les sociétés des Iles Vierges Britanniques), la fondation suisse, ... Pas de trace par contre de la SOPARFI luxembourgeoise et de la Stichting Administratiekantoor hollandaise.

Ne sont cependant pas visées par la taxe les sociétés cotées en bourse, les sicav publiques ou institutionnelles, les entités établies dans l’EEE et ayant une activité économique réelle, …

Qui est redevable de la "taxe Caïman" ?

Est redevable de la « taxe Caïman » le fondateur de la construction juridique. Le fondateur est défini comme étant le fondateur (au sens premier du terme), l’apporteur de biens ou de droits, leurs héritiers (à moins qu’ils ne puissent prouver qu’ils ne tireront jamais le moindre bénéfice de la construction juridique), les héritiers des héritiers, et les détenteurs des droits juridiques ou économiques sur les actions ou parts.

La "taxe Caïman" : une taxe de transparence 

La « taxe Caïman » repose sur la notion de transparence fiscale. Autrement dit, les revenus encaissés par la construction juridique sont taxables dans le chef du fondateur, comme s’il les avait encaissés personnellement. Peu importe que ces revenus aient été ou non effectivement
distribués au fondateur. Par conséquent, le fondateur peut être taxé sur un revenu qu’il ne percevra en réalité jamais.

Une exception : si les revenus ont été encaissés par un tiers bénéficiaire qui réside dans l’EEE (Espace Économique Européen), ou dans un pays pratiquant l’échange d’informations avec la Belgique.

Attention : si le paiement en faveur du tiers bénéficiaire n’a lieu qu’ultérieurement, non seulement le fondateur sera taxé sur les revenus annuels encaissés par la construction juridique, mais celui-ci ne pourra pas bénéficier d’un dégrèvement lors de l’attribution à ce tiers bénéficiaire. A noter que les éventuels impôts étrangers payés ne sont nullement imputables sur l’impôt belge !

A combien se monte la "taxe Caïman" ?

Tout dépend du revenu. S’il s’agit d’un revenu mobilier, il sera taxé à 25% (bientôt 27%). Les revenus professionnels seront, quant à eux, taxés au taux progressif (max. 50%).

Est-on taxé lors du démantèlement de la construction juridique ? 

Les trusts sont ici épargnés. Par contre, pour les constructions juridiques ayant la personnalité juridique, la loi assimile à un dividende et donc prévoit la taxation de toutes les sommes attribuées ou mises en paiement par cette construction juridique, à la suite de sa dissolution ou du transfert total ou partiel de ses actifs sans contrepartie équivalente, pour la partie qui excède le montant des avoirs apportés (à l’époque) qui ont déjà subi leur régime d’imposition en Belgique.

Autrement dit, les revenus accumulés dans le véhicule avant le 1er janvier 2015 seront rétroactivement soumis à taxation. Si l’origine des capitaux ne peut être établie par le fondateur, il en résultera la taxation de toutes les sommes attribuées lors de la liquidation de la construction juridique.

La place nous manque ici pour analyser de façon plus approfondie le contenu de cette nouvelle législation. Son caractère punitif saute par contre aux yeux. Le fondateur pourra, en effet, se voir imposer sur des revenus qu’il n’encaissera pas (ou qu’il n’encaissera qu’ultérieurement), il lui sera parfois difficile de prouver l’origine des capitaux apportés à la construction juridique, et partant, leur imposition en Belgique, de telle sorte que c’est tout le patrimoine de la construction juridique qui sera assimilé à un dividende lors de son démantèlement.

Le législateur voudrait-il punir celles et ceux qui n’ont pas profité des différentes campagnes de régularisation fiscale instaurées depuis 2004 ? Toujours est-il que l’intérêt (purement fiscal) de conserver ce type de construction juridique a disparu !

Le gouvernement annonce une nouvelle loi permanente de régularisation fiscale. Sans doute une dernière main tendue pour faire table rase du passé avant que l’échange automatique d’informations entre pays ne soit généralisé !

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