Mandat de protection extrajudiciaire : anticiper pour protéger vos intérêts

10 mins to read this article

romain-dancre-doplSDELX7E-unsplash.jpg
Mandat

Un accident ou une maladie (coma, incapacité physique, Alzheimer…) peut empêcher, fut-ce partiellement ou temporairement, toute personne majeure d’assumer elle-même la gestion de son patrimoine ou de sa personne. Elle se retrouve alors en état d’incapacité et peut être placée sous protection judiciaire. Le juge de paix désigne, dans l’intérêt de la personne à protéger, un administrateur et détermine ses pouvoirs. Le législateur a cependant souhaité que toute personne majeure et capable puisse elle-même anticiper sa potentielle incapacité, désigner cet administrateur et déterminer ses pouvoirs. Ce souhait s’est concrétisé par la création du mandat de protection extrajudiciaire, en septembre 2014. Aujourd’hui, plus de 300.000 mandats ont déjà été enregistrés au registre central des mandats extrajudiciaires tenu par la Fédération royale du notariat belge.

Qu’est-ce qu’un mandat de protection extrajudiciaire ?

Un mandat de protection extrajudiciaire peut être mis en place par tout individu désireux d’anticiper toute perte d’autonomie. 
Il est conçu comme un contrat de confiance : tant que vous êtes capables, vous avez le droit de désigner une ou plusieurs personnes (vos mandataires) pour vous représenter le jour où vous ne pourriez plus le faire vous-même.
Contrairement à la protection judiciaire, ce mécanisme évite l’intervention du juge de paix et respecte pleinement votre volonté. En d’autres termes, il facilite très largement la gestion administrative en cas de dépendance : un mécanisme juridique idéal pour se prémunir contre les accidents de la vie.
Bon à savoir : Le mandat peut couvrir à la fois la protection de votre patrimoine (gestion des biens, opérations bancaires…) et la protection de votre personne (soins, logement, droits du patient, etc.).

Comment établir un mandat de protection extrajudiciaire ?

Les formes juridiques du mandat

L'établissement d'un mandat de protection extrajudiciaire s'opère selon deux modalités juridiques distinctes, dont le choix dépend essentiellement de la nature des actes que le mandataire sera amené à accomplir.
L'acte authentique, établi par-devant notaire, constitue la forme privilégiée - et dans certains cas obligatoire - lorsque le mandataire devra réaliser des opérations juridiques d'envergure. Cette voie notariale s'impose impérativement pour l'accomplissement d'actes solennels tels que des opérations immobilières, la réalisation de donations, ou encore la modification d'un régime matrimonial. Le recours au notaire garantit non seulement la validité formelle de l'acte, mais également le conseil éclairé d'un officier public dans la définition des pouvoirs conférés.
L'acte sous seing privé, rédigé sans intervention notariale, demeure quant à lui adapté à la gestion patrimoniale courante. Cette forme plus souple n'en exige pas moins le respect d'un formalisme précis : le mandat doit être enregistré auprès du greffe de la Justice de Paix du domicile du mandant, accompagné d'une copie certifiée conforme par un fonctionnaire communal ou, le cas échéant, par un notaire. 
Le recours à l’acte sous seing privé, bien que moins onéreux que la voie authentique, requiert néanmoins une attention particulière quant au contenu de l’acte et au respect des formalités.
Le notaire qui a reçu l’acte ou le greffier de la justice de paix procède à l’enregistrement du mandat de protection extrajudiciaire au Registre central des contrats de mandat. Cette formalité est essentielle car à défaut, le mandat sera inutilisable une fois l’incapacité survenue.

 

Qui peut être désigné comme mandataire ?

En principe, vous pouvez désigner toute personne de confiance : conjoint, partenaire, enfant, ami ou conseiller…
Il est également possible de nommer plusieurs mandataires et de préciser s’ils doivent agir ensemble ou séparément.
Pour plus de sécurité, il peut être recommandé de désigner aussi un ou plusieurs mandataires subsidiaires (remplaçants) au cas où le premier ne pourrait exercer sa mission.
Bon à savoir : Demandez à vos mandataires d’accepter formellement leur mission dans le document lui-même. L’acceptation par le mandataire étant nécessaire à la validité du mandat, cela vous permet de vous assurer qu’il sorte bien ses effets le moment voulu.. D’autre part, il peut être utile de prévoir un mandataire ad hoc ou une procédure de désignation d’un tel mandataire s’il y a un conflit d’intérêt entre le mandat (celui qui donne le mandat) et le mandataire. À défaut, c’est le juge de paix qui nommera un mandataire ad hoc.

Quels pouvoirs peut-on conférer au mandataire ? Mode d’emploi

Le mandat doit impérativement détailler précisément les pouvoirs confiés. En voici une liste non exhaustive :
  • Actes patrimoniaux : gestion de comptes, paiement de dettes, perception de revenus, opérations bancaires et placements, vente de biens meubles ou immeubles, réalisation d’investissements…
  • Actes en lien avec la personne : choix du lieu de vie (domicile, maison de repos), sélection du médecin traitant, respect des droits du patient, choix du personnel soignant…
  • Actes de disposition particuliers : donations sous conditions, modification du contrat de mariage, … 

Périmètre d’exercice du mandat extrajudiciaire 

Comme vous pouvez le constater, le mandat peut être spécial, c’est-à-dire limité à un ou certains actes, ou bien général. Ce tant en ce qui concerne le patrimoine (faire des paiements, vendre, acquérir, louer, donner…) qu’en ce qui concerne la personne (choisir la résidence, la maison de repos, engager des aides à domicile…). 
Dans tous les cas, chaque pouvoir doit être précis et limité, afin de garantir que le mandataire agisse uniquement dans votre intérêt. 

 

Principes du mandat extrajudiciaire

Le mandant peut définir des «  principes  » que le mandataire devra respecter dans l’exercice de sa mission. 
Par exemple, la récolte d’avis préalablement à certaines opérations, le maintien de la résidence dans l’habitation privée aussi longtemps que possible, des interdictions, le choix des institutions financières, etc.

 

Planification patrimoniale

Le mandat de protection extrajudiciaire peut constituer un outil de planification patrimoniale en prévoyant, par exemple, dans quelles circonstances et à quelles conditions une donation peut être réalisée. 

 

Déclaration de préférence

La conversion d’un mandat de protection extrajudiciaire, en tout ou en partie, en administration judiciaire, c’est-à-dire la désignation d’un administrateur par le juge de paix,  ne pouvant être exclue, une personne majeure et capable peut déposer auprès du juge de paix ou d’un notaire une déclaration de préférence quant à la personne à qui confier l’administration. Cette déclaration peut également contenir des « principes » de gestion dont l’administrateur devra tenir compte (voir supra).   

Quand le mandat prend-il effet ?

Deux options sont possibles :
  • Entrée en vigueur immédiate, pour permettre une aide progressive dès maintenant (il s’agit alors d’un “mandat hybride” destiné à devenir mandat de protection extrajudiciaire si le mandant devient incapable).
  • Entrée en vigueur une fois le mandant devenu incapable.
Cette souplesse permet d’adapter le mandat à votre situation personnelle et à la confiance accordée à votre mandataire.
Souvent, le mandant choisira de faire débuter le mandat dès que celui-ci est incapable d’exprimer sa volonté. Reste à préciser comment l’incapacité sera établie : libre appréciation du mandataire, sur la base d’un ou plusieurs certificats médicaux ou sur une décision du juge de paix ?
Quand le mandat extrajudiciaire prend-il effet ?

Comment se passe la fin d’un mandat ?

Le mandat de protection extrajudiciaire prend fin :
  • si le mandant redevient capable de gérer son patrimoine et sa personne ;  
  • par la révocation du mandataire par le mandant ou par la renonciation du mandataire (s’il n’y a qu’un mandataire nommé) ;  
  • au décès du mandant ;  
  • au décès du mandataire ou si celui-ci est lui-même déclaré incapable (sauf à prévoir une procédure de remplacement) ;  
  • par décision du juge de paix : celui-ci peut être amené à se prononcer sur l’exécution du mandat et éventuellement ordonner une mesure de protection judiciaire qui met fin totalement ou partiellement au mandat ou encore qui le complète. 

Peut-on modifier ou révoquer un mandat ?

Oui. Tant que vous restez capable, vous pouvez modifier ou révoquer votre mandat à tout moment.
Toute modification doit être formalisée par écrit et enregistrée à nouveau au Registre central.
Une fois l’incapacité survenue, seul le juge de paix peut intervenir pour adapter ou suspendre le mandat.

 

Quel est le rôle du juge de paix et du contrôle ?

Quel est le rôle du juge de paix et du contrôle ?

Le juge de paix n’intervient pas par défaut, mais il veille à la bonne exécution du mandat.
S’il constate une mauvaise gestion, un conflit d’intérêts ou une atteinte aux intérêts du mandant, il peut :
  • suspendre le mandat ;
  • désigner un administrateur judiciaire ;
  • ou ordonner des mesures de contrôle renforcées.
Le mandataire doit également rendre compte régulièrement de sa gestion auprès du mandant - idéalement chaque année - et il est recommandé de désigner une personne de confiance indépendante pour superviser cette mission.

Le mandat et l’international

Si le mandat doit servir à l’étranger, il est conseillé de stipuler qu’il est soumis au droit belge. Cela permettra d’en assurer la validité dans bon nombre de pays européens [1].
Il reste toutefois recommandé de consulter un notaire pour s’assurer de la validité du mandat dans chaque juridiction concernée.

 

Mandat extrajudiciaire : Anticiper pour mieux se prémunir contre les aléas de la vie

Le mandat de protection extrajudiciaire peut être un instrument essentiel de planification patrimoniale.
En cas d’incapacité, il vous offre la tranquillité d’esprit de savoir que vos affaires - financières comme personnelles - seront gérées selon vos volontés, tout en évitant une procédure judiciaire lourde.
Le Département Wealth Planning et votre conseiller Puilaetco se tiennent à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en place d’un mandat adapté à votre situation familiale et patrimoniale.

Note

[1] Pour s’assurer qu’un mandat de protection extrajudiciaire belge puisse être utilisé à l’étranger, il faudra vérifier les dispositions de droit international privé local. L’Allemagne, l’Autriche, Chypre, l’Estonie, la Finlande, la France, la Lettonie, Monaco, le Portugal, la Tchéquie, le Royaume-Unis et la Suisse ont ratifié une convention internationale qui facilite l’usage d’un mandat de protection extrajudiciaire étranger se référant : à la loi de l’État de résidence habituelle du mandant ou au droit expressément choisi dans le mandat (pour autant qu’il s’agisse soit du droit désigné par la nationalité du mandant, du droit désigné par une résidence habituelle précédente, ou du droit de l’État où se trouve les biens pour lesquels le mandat doit être exercé).

Disclaimer : 

La législation fiscale est sujette à des changements continus, parfois rétroactifs, et peut entraîner des impôts supplémentaires, des intérêts ou des pénalités. Cet article ne constitue pas un conseil fiscal. Le traitement fiscal de chaque opération est spécifique à la situation personnelle de chaque individu. Les informations fournies dans cet article sont de nature générale. Il ne remplace pas des conseils spécifiques à votre propre situation. Il vous est recommandé d'obtenir des conseils spécifiques  auprès de professionnels agrée avant d'entreprendre toute action ou de vous abstenir d'agir.

 

Bibliographie

 




Contactez-nous