Real Estate: Identité de l’acquéreur, quand le doute bénéficie au Trésor

Peut-être envisagez-vous de faire cette acquisition par l’intermédiaire d’une société ou encore avec vos enfants ? Vous hésitez à ce sujet et l’agent vous presse de vous décider. Vous faites donc offre d’achat ou signez le compromis de vente en votre nom estimant qu’il sera probablement possible de modifier l’identité de l’acquéreur ultérieurement. Pourtant, si l’acte authentique de vente devait mentionner un autre acquéreur que celui qui apparait dans le document sous seing privé, l’administration fiscale pourrait y voir une vente en triangle : A vend à B qui vend à C mais l’acte authentique ne relate qu’une vente de A à C.

 

Une vente en triangle constitue pour le Trésor une simulation, laquelle est lourdement sanctionnée[1].

 

Quelles solutions s’offrent au candidat-acquéreur confronté à une telle question ? Si le bien est situé en Flandre ou en Wallonie, il est possible, à certaines conditions, de mettre fin amiablement à une convention de vente sous seing privé moyennant une taxation globale de 20 euros. Faisant usage de cette faculté, les parties peuvent résoudre la convention initiale et dans la foulée conclure un nouveau contrat de vente avec le « bon acquéreur ».

 

Cette piste ne pourra toutefois pas être suivie dans tous les cas. Les ventes conclues en Région de Bruxelles-Capitale ne peuvent pas bénéficier de ce régime car il n’a pas été adopté par le législateur bruxellois. De plus, cette technique nécessite le concours du vendeur. Il n’y aura pas moyen d’y recourir si ce dernier est récalcitrant. Enfin, en Flandre, les ventes soumises au tarif préférentiel pour les professionnels de l’immobilier sont exclues du champ d’application de ce système.

À supposer l’achat par une société qui n’existe pas encore, il peut être recouru à l’article 60 du Code des sociétés. Cet article permet de prendre des engagements pour une société en formation. Si l’extrait de l’acte constitutif de la société est déposé au greffe du tribunal de commerce dans les deux ans de l’engagement et que ledit engagement est ratifié dans les deux mois de ce dépôt, la société sera considérée comme ayant conclu la convention dès l’origine. À défaut de reprise par la société, la personne qui a pris l’engagement au nom de la société en formation sera considérée comme acquéreur. Il a été jugé que, dans ce cas, il n’y a pas double vente.

 

Dans un autre contexte, un candidat-acquéreur indécis pourrait tenter d’obtenir du vendeur une promesse unilatérale de vente (ou « option d’achat »). Aux termes de cette promesse, le candidat-vendeur s’oblige, pendant un certain délai, à vendre au candidat-acquéreur si celui-ci acquiesce, autrement dit lève l’option. De son côté, tant que la durée de validité de l’option court et qu’il n’a pas levé l’option, le candidat-acquéreur peut céder le bénéfice de son option à une personne de son choix qui pourra alors la lever.

 

Le candidat-vendeur sera sans doute peu enclin à s’obliger sans certitude de la conclusion d’une vente. Et s’il y consent, souvent prévoira-t-il une indemnité à son profit pour le cas où l’option n’était pas levée.

 

La pratique de la cession d’options n’est pas exempte de risques, notamment fiscaux, et doit dès lors être bien encadrée dans l’intérêt de toutes les parties.

 

La technique des options croisées est une variante sur le thème de l’option. Le principe en est le suivant : par le biais d’une option d’achat, un candidat-vendeur promet de vendre un bien au candidat-acquéreur qui lui-même octroie au candidat-vendeur une option de vente.

 

Le candidat-acquéreur a ainsi la possibilité, pendant un délai déterminé, d’acquérir le bien en levant l’option. Si au terme de ce délai, il ne l’a pas fait, le candidat-vendeur pourra le contraindre à l’achat en levant son option de vente. Dans l’hypothèse où aucune des options n’est levée, le candidat-vendeur se verra attribuer une indemnité.

 

Tant qu’aucune des options n’est levée, il n’y a pas de vente. En stipulant l’option d’achat cessible, le candidat-acquéreur pourra désigner un autre acquéreur sans que l’opération ne puisse être considérée comme une double vente.

 

La convention d’options croisées doit être conçue avec soin car la frontière entre options croisées et vente parfaite est ténue.

 

Une offre d’achat ou un compromis de vente devrait toujours contenir une condition suspensive. Une condition suspensive fait dépendre la réalisation d’une obligation de la survenance d’un événement futur incertain. Un tel événement sera souvent l’obtention d’un crédit ou l’accord d’un créancier hypothécaire ou saisissant. Si cet événement ne se produit pas, l’obligation, et donc la vente, est considérée n’avoir jamais existée.

 

Tant qu’une condition suspensive est pendante, la convention de vente ne doit pas être enregistrée. Dès lors, tant que l’événement visé ne s’est pas produit, l’acquéreur originaire peut céder les droits et obligations qu’il tire de cette convention à une autre personne sans que cette transmission n’entraine taxation.

 

Il importera alors d’établir l’antériorité de la cession des droits conditionnels à la réalisation de la condition suspensive.

 

Une dernière méthode consiste à recourir au porte-fort combiné à une ou des acquisitions sous condition suspensive.

 

Le porte-fort désigne celui qui s’engage envers une personne, ici le vendeur, à obtenir le consentement d’un tiers, la société ou les enfants, en vue de conclure une convention qui, dans notre cas, sera la vente de l’immeuble. Tant que l’engagement n’a pas été ratifié par ce tiers, la convention n’existe pas et, à défaut de ratification, le porte-fort est redevable de dommages et intérêts.

 

Par la même occasion, une vente sera conclue entre le porte-fort et le vendeur. Cette vente sera faite sous condition suspensive de l’absence de ratification par le tiers dans le délai convenu[2].

 

La ratification de l’engagement par le tiers formera une vente parfaite, la deuxième vente, celle faite sous condition suspensive, disparaitra du fait de la non-réalisation de la condition.

 

À l’inverse, en l’absence de ratification, le vendeur ne sera pas lésé puisque la vente faite sous condition suspensive deviendra effective.

 

Cette formule, qui tient en quelques lignes, peut être déclinée en de très nombreuses configurations et se trouve particulièrement adaptée aux acquisitions envisagées avec des incapables pour lesquels une autorisation du juge de paix doit être obtenue avant qu’ils ne puissent s’obliger à acquérir.

 

Pour conclure, rappelons qu’une offre lie celui qui l’a faite. Avant de l’envoyer, faites la relire !

 

[1] Article 204 Code des droits d’enregistrement pour la Wallonie et Bruxelles et article 3.18.0.0.14 du Vlaamse Codex Fiscaliteit. Outre le paiement des droits d’enregistrement dus sur la première vente, A, B et C devront s’acquitter, chacun, d’une amende égale à ces droits, sans compter une possible amende pour enregistrement tardif de la vente de A à B.

[2] Dans le cas d’une société, il faudra s’assurer que la condition de ratification n’est pas purement potestative, que sa réalisation ne dépend pas de la seule volonté d’une des parties, comme ce pourrait peut-être être le cas si le candidat-acquéreur se trouve être le gérant de la SPRLU qui doit ratifier. La condition serait alors nulle.

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