Donation: De l'ombre au crédit de vos enfants?

Parallèlement, comme relaté dans les précédentes éditions de votre « Analyses Monthly », les droits de donation immobilière ont été réduits dans chaque Région. Bien que distinctes, ces législations s’influencent mutuellement : selon le cas, la donation d’un immeuble peut faire perdre au donataire certains avantages fiscaux à l’impôt des personnes physiques (IPP).

À l’inverse, il faut également être attentif au fait que, lors de l’achat d’un premier bien immobilier, une réduction des droits de vente peut avoir être octroyée. Afin de vous permettre d’y voir plus clair, nous dressons une analyse des différentes hypothèses. Rappelons d’abord les règles applicables en matière d’impôts directs.

Les avantages fiscaux relatifs au patrimoine immobilier à l’impôt des personnes physiques (IPP)

Le législateur encourage, par des réductions de l’impôt, l’acquisition, la transformation et la conservation de biens immobiliers financés par un crédit.

Les amortissements en capital, les intérêts et les primes d’assurance solde restant dû payés en remboursement d’un crédit hypothécaire peuvent être repris dans la déclaration fiscale en vue d’obtenir la réduction de l’impôt. Cette réduction sera calculée différemment selon qu’elle se rapporte au logement familial ou à un autre bien immobilier (ex. : une seconde résidence).

La donation d’un bien immobilier peut avoir une influence sur l’avantage relatif au logement familial en matière d’IPP. Les autres avantages fiscaux (relatif à la seconde résidence) ne s’en trouveront pas modifiés, de sorte que nous ne les aborderons pas.

La fiscalité du logement familial

L’avantage fiscal lié au logement familial est notamment conditionné par le fait que l’immeuble soit l’unique habitation du contribuable. Cette condition se révèle problématique lorsqu’une donation immobilière est envisagée : L’avantage fiscal sera-t-il perdu ? Faut-il différer la donation après l’achat du logement familial ?

Pour répondre à ces questions, nous devons tenir compte de la législation applicable au cours de l’année durant laquelle le candidat-donataire a conclu le crédit hypothécaire pour l’achat de son habitation familiale (sous réserve de certaines exceptions en cas de refinancement).

Il y a lieu de distinguer le régime fédéral du bonus logement qui était applicable jusqu’au 31 décembre 2014 des régimes régionaux en vigueur depuis 2015.

Bonus logement fédéral

L’avantage fiscal est calculé sur la base des amortissements en capital, intérêts et des primes d’assurance solde restant dû payés en remboursement d’un crédit hypothécaire.

Ces montants, qui sont à mentionner dans la déclaration fiscale, sont pris en considération dans les limites suivantes :

Une réduction d’impôt proportionnelle est accordée sur la somme de ces deux montants.

Dans ce régime, l’immeuble présente un caractère « unique » lorsque, au 31 décembre de l’année durant laquelle le contrat d’emprunt a été conclu, l’habitation est le seul bien immobilier (destiné à l’habitation) du contribuable, à l’exception des biens reçus par succession ou mis en vente.

Si vous avez donné un bien immeuble à votre enfant en 2008 et qu’il a acquis son habitation familiale en 2010, votre enfant n’a pas pu bénéficier de la réduction d’impôt pour bonus logement.

En cas de pluralité d’acquéreurs, ce caractère d’habitation unique est analysé individuellement dans le chef de chaque contribuable. Supposons que votre fils ait acquis son habitation famille avec son épouse pour laquelle il s’agissait de son premier immeuble : votre belle-fille a pu bénéficier de la réduction d’impôt.

La condition d’habitation « unique » n’est pas seulement requise pour la seule année de l’achat du logement, mais également au cours des dix premières années du remboursement du crédit : les majorations de € 760 et € 80 sont définitivement perdues dès lors que l’habitation n’est plus « unique ». En revanche, l’avantage fiscal calculé sur le montant de base demeure.

Exemple : Jean souhaite donner son appartement à sa fille Léa, qui a acheté son habitation familiale à Liège en 2014 au moyen d’un crédit hypothécaire. Depuis deux ans, elle bénéficie d’une réduction d’impôt de € 1.525 à l’IPP (sachant qu’elle est imposée à 50 % et qu’elle n’a pas d’enfant : 50 % de € 2.290 – pour la Région wallonne – augmentés de € 760).

Suite à cette donation, Léa ne sera plus propriétaire d’une habitation « unique ». Son avantage fiscal sera réduit à € 1.145 par an. Elle perd la majoration de € 760 par an, soit un manque à gagner de total de € 3.040 (soit (8 x € 760) x 50%) sur une période de huit années.

L’impact à l’IPP d’une donation immobilière, consentie à un enfant qui a acquis son logement familial entre 2006 (il y a 10 ans) et 2014, entrainera une diminution du montant de son avantage fiscal.

Bonus logement régional

Du fait de la régionalisation, depuis le 1er janvier 2015, outre l’année de souscription du crédit, il y a lieu de tenir compte de la Région de réside du donataire.

Flandre

La réforme flamande a réduit à € 1.520 le montant de base sur lequel est calculée la réduction d’impôt. Les majorations de € 760 et € 80 sont maintenues.

Depuis le 1er janvier 2016, la condition d’habitation « unique » n’est plus requise pour prétendre au bénéfice de la réduction pour bonus logement.

Donc, si vous faites donation d’un immeuble à votre enfant avant qu’il n’achète sa première habitation, il ne sera pas totalement exclu du bénéfice du bonus logement, comme c’était le cas auparavant : la base sur laquelle sera calculée la réduction d’impôt sera limitée à € 1.520 par année, à savoir le montant de base. L’avantage fiscal est fixé par le législateur flamand à 40 % du montant déclaré, soit € 608 (soit € 1.520 x 40 %).

Le manque à gagner sera au plus de € 312 par année, si l’immeuble n’est pas ou plus (en cas de donation après l’achat) l’unique bien immobilier du contribuable.

Étant donné que le caractère unique de l’habitation a disparu, que la donation intervienne avant ou après l’achat du logement familial implique désormais les mêmes conséquences au niveau de l’IPP.

En matière de droits d’enregistrement, la situation est toute autre. Une réduction du droit de vente de 10 % est octroyée à l’acquéreur d’un premier immeuble destiné à l’habitation. Cette réduction peut s’élever jusqu’à € 2.500. Elle n’est toutefois pas allouée si l’acquéreur est déjà plein propriétaire de la totalité d’un bien immobilier. Si vous envisagez une donation, il vous est conseillé de ne pas transmettre la pleine propriété ou l’usufruit de l’intégralité du bien.

Bruxelles

Pour les années civiles 2015 et 2016, les règles du bonus logement fédéral explicitées ci-avant sont demeurées d’application : si votre enfant était déjà propriétaire au moment de l’acquisition de son habitation familiale, le bonus logement lui était écarté. S’il acquiert ou reçoit par donation un second immeuble au cours des 10 premières années du crédit, il perdra le bénéfice des majorations de € 760 (€ 770 pour l’année de revenus 2016) et € 80.

Supposons une donation immobilière à un enfant un an après qu’il ait acquis son habitation, il perdra sur neuf ans un avantage fiscal de € 3.118 (soit € 770 x 9 années x 45% (taux régional)).

Le bonus logement sera supprimé à partir du 1er janvier 2017. Tout acte authentique passé à partir de cette date ne donnera plus lieu à cet avantage fiscal.

Cette suppression sera compensée par une augmentation du montant de l’abattement applicable à la base de calcul du droit de vente. Actuellement, cet abattement représente à Bruxelles une économie d’impôt de € 7.500.

Le montant de l’abattement sera porté à € 175.000 en janvier 2017, pour autant que le prix d’acquisition de l’immeuble ne dépasse pas € 500.000. La réduction d’impôt, acquise immédiatement sur le prix de vente, s’élèvera à une somme maximum de € 21.875 (soit € 175.000 x 12,5% de droits de vente).

Pour pouvoir en bénéficier, il convient que l’acquéreur – ou les acquéreurs – ne soi(en)t pas déjà plein(s) propriétaire(s) – seul ou à deux – de la totalité d’un autre bien immobilier. Par conséquent, la donation à vos enfants d’une partie d’un bien ne les pénalisera pas lors de l’achat ultérieur de leur habitation.

Wallonie

Les règles relatives au bonus logement pour les crédits conclus en 2015 ne changent pas.

Les crédits conclus depuis le 1er janvier 2016 sont soumis au régime du « chèque habitat ». Ce système a une autre philosophie que celui du bonus logement : la réduction d’impôt est limitée à 20 exercices fiscaux (pour chaque contribuable) et, à l’inverse du bonus logement, dépend en partie de l’importance des revenus professionnels.

Afin d’apprécier le caractère unique d’une habitation, il n’est dorénavant plus tenu compte des biens dont le contribuable est, copropriétaire, nu-propriétaire ou usufruitier, par succession ou donation.

Cela signifie qu’une donation immobilière aux enfants ne leur portera plus préjudice en matière d’impôt des personnes physiques. Elle pourra toutefois avoir pour effet de majorer le taux des droits d’enregistrement de 12,5 % à 15 %, en cas d’acquisition d’un immeuble par un acquéreur déjà plein propriétaire ou usufruitier à hauteur d’au moins 33 % de deux autres biens immobiliers.

Conclusion

Le paysage fiscal belge est de plus en plus complexe. Une planification successorale mérite un temps d’analyse pour évaluer toutes les conséquences de l’opération envisagée et ce, dans le chef de chacune des parties. Ce faisant, certains effets non désirés sur un plan fiscal pourront certainement être évité. Faites appel à vos conseillers patrimoniaux qui ne manquerons de vous éclairer sur la voie de la planification.

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