Comment investir dans un monde post-COVID-19 ? - Résumé de nos webinars (23 & 24 juin 2020)

Christophe Van Canneyt : « Les banques centrales sont prêtes à injecter des liquidités en masse sur les marchés »

Comment décririez-vous la situation actuelle sur les marchés ?

Christophe Van Canneyt : « Nous assistons actuellement à un effondrement brutal de l’économie mondiale, du à la mise à l’arrêt forcé des entreprises entre mars et juin. Cette crise marque la récession la plus rapide et la plus profonde que nous ayons connue depuis la Seconde Guerre Mondiale. Avant le confinement, les prévisions économiques tablaient sur une croissance de 0,8% du PIB en zone euro cette année. Il est désormais question d’un recul de 8,7% ! Néanmoins, malgré ce contexte de grisaille, on peut entrevoir une bonne nouvelle : selon nos prévisions, l’économie européenne pourrait récupérer en deux ans son niveau d’avant la crise. Ce scénario dépend toutefois de deux facteurs. Primo, y aura-t-il une deuxième vague de propagation du COVID-19 et serons-nous en mesure d’y répondre sans mettre toute l’économie à l’arrêt ? Secundo, quelle sera l’efficacité des mesures publiques déployées pour maintenir l’économie à flots ? La crise actuelle est en effet très différente des précédentes : c’est la fermeture soudaine de l’économie qui a causé une crise financière, et non l’inverse. »

Quelles sont précisément les mesures de relance que les autorités pourraient mettre en place ?

Christophe Van Canneyt : « Aux Etats-Unis et en Europe, elles sont de trois ordres. Tout d’abord, un soutien direct aux ménages et aux PME afin de maintenir leurs revenus. Ensuite, le report des paiements des entreprises afin de préserver leur trésorerie. Enfin, des garanties et aides directes octroyées aux secteurs les plus touchés, comme par exemple le secteur aérien. Toutes ces mesures vont creuser de véritables gouffres dans les budgets des Etats. Les Etats-Unis par exemple vont devoir emprunter plus de 4.000 milliards de dollars cette année, ce qui est plus du double du montant nécessaire lors de la crise de 2009. Les banques centrales sont pour leur part prêtes à injecter des liquidités en masse sur les marchés, via des programmes de rachat d’obligations d’Etat et d’entreprises. »

Comment sortir de la crise de l’endettement public ?

Christophe Van Canneyt : « On pourrait essayer de consolider la dette sur des échéances très longues, par exemple à 100 ans ou via des émissions d’obligations perpétuelles. On a ainsi vu que le programme de relance de 750 milliards d’euros de la Commission Européenne pourrait se financer via l’émission d’obligations à 100 ans. Avec un taux d’intérêt annuel de l’ordre de 0,50%, le coût du programme serait de 4 milliards par an. Une autre piste envisageable serait celle du rééchelonnement ou de la restructuration de la dette : les banques centrales accepteraient de ne pas être remboursées. Ce serait toutefois une voie sans équivalent jusqu’à présent. »

Faut-il craindre une flambée de l’inflation après la création d’une telle masse monétaire ?

Christophe Van Canneyt : « A court terme, c’est très peu probable, dans un scénario de contraction économique auquel il faut ajouter l’effondrement récent des cours du pétrole. Nous pensons que l’inflation restera basse au moins jusqu’en 2022. Néanmoins, une différence notable par rapport à la crise de 2008 et 2009 réside dans le rôle assigné aux banques. Cette fois-ci, il ne leur est pas demandé de réduire leurs bilans, mais bien d’alimenter l’économie en crédits. Cette masse de liquidité pourrait dès lors bel et bien entraîner une hausse de l’inflation à partir de 2022 ou 2023. Ce serait une situation très préoccupante pour les épargnants et investisseurs : une flambée des prix combinée à un contexte de taux bas équivaut à une confiscation de l’épargne. »

La hausse de l’euro par rapport au dollar favorise-t-elle une reprise plus rapide en Europe ?

Christophe Van Canneyt : « Les facteurs qui expliquent la chute du dollar sont nombreux : le billet vert est surévalué ; la baisse des taux de la Fed rend les investissements en dollar moins attractifs ; le climat intérieur délétère n’inspire pas confiance ; la guerre commerciale avec la Chine refroidit les ardeurs des investisseurs. Néanmoins, je ne pense pas que le cours actuel de l’euro face au dollar puisse influencer le rythme de la reprise en Europe. »

Frank Vranken : « La cohésion européenne est en jeu »

Comment les marchés boursiers réagissent-ils au ralentissement de l’économie dû à la propagation du coronavirus ?

Frank Vranken : « Plusieurs scénarios de reprise sont envisageables : en U, en V, en W ou en L. Sur les marchés d’actions, nous avons assisté à un plongeon rapide qui s’est soldé après deux mois sur un repli de l’ordre de 30% des principales places financières, suivi d’un rebond de même ampleur. Aujourd’hui, plusieurs interrogations demeurent sur les marchés. Quel sera l’impact de la crise sur le chômage, la consommation, le commerce international ou l’investissement des entreprises ?  Quand disposerons-nous d’un vaccin ? L’Europe sera-t-elle capable d’acter une forme de convergence fiscale et comment pourra-t-elle répondre aux inquiétudes liées à la dette colossale de l’Italie sans faire voler l’Union en éclats ? Sur ce dernier point, des solutions concrètes existent. On estime que l’endettement de l’Italie pourrait atteindre la zone de 155-160% de son PIB. Or, le Japon parvient à garder la tête hors de l’eau malgré un endettement structurel de plus de 200% que le pays finance grâce à des taux à 0%. »

Quel regard portez-vous sur le rebond des Bourses après le plongeon ?

Frank Vranken : « Aux Etats-Unis, les marchés ont été tirés vers le haut par les valeurs technologiques. Ces secteurs ont démontré pendant le confinement qu’ils répondaient à des tendances fortes, comme par exemple le télétravail ou le succès des jeux vidéo. Or, en tant que stratège, je m’interroge : quel multiple des bénéfices est-on prêt à payer pour des actions ? Sont-elles surévaluées ? »

Un autre événement d’importance attend les marchés : l’élection présidentielle américaine en novembre prochain. Encore une incertitude supplémentaire pour les investisseurs ?

Frank Vranken : « En cas de victoire de Joe Biden, les marchés anticipent une hausse probable de l’impôt des sociétés et du salaire minimum, ce qui ne figure pas dans le programme de Donald Trump. Nous serons aussi très attentifs au sort que le prochain président réservera au désengagement des Etats-Unis des différentes instances internationales, ainsi qu’au différend commercial avec d’autres puissances économiques comme l’Europe et la Chine. Toutes ces questions nous amènent à opter pour une allocation la plus équilibrée possible au sein des portefeuilles, avec une légère surpondération aux marchés d’actions afin de profiter des effets des taux bas et des afflux de liquidités. »

Faut-il craindre de nouvelles taxes sur le patrimoine ou sur les plus-values immobilières en Belgique ?

Frank Vranken : « Il va falloir financer l’endettement, c’est inéluctable. Le gouvernement a d’ores et déjà sollicité l’avis du Conseil des Finances afin de réfléchir à de nouvelles formes d’imposition. On sait que la brique et les revenus locatifs pourraient être dans le viseur, puisque c’est une matière sur laquelle la Commission européenne a déjà plusieurs fois critiqué la Belgique. »

Les Etats de la zone euro seront-ils en mesure de rembourser leur dette ?

Frank Vranken : « C’est là où le bât blesse. On songe immédiatement à l’Italie. La BCE a très bien compris que la cohésion européenne est en jeu. Si elle ne parvient pas à maintenir les taux sur la dette italienne à des niveaux acceptables, le coût de l’endettement va devenir tellement nuisible à l’économie de la péninsule que l’Italie ne pourra pas rester dans l’Union. Elle pourrait vouloir sortir de la zone euro, dévaluer sa monnaie et prendre des parts de marché sur les exportations. C’est un scénario que tout le monde veut éviter. La BCE va dès lors devoir travailler à d’avantage d’intégration. Le projet d’émission de dette conjointe pour financer le plan de la Commission va déjà dans ce sens. Il faudra dès lors unifier les efforts pour maintenir la paix économique au sein de l’Union. »

 

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