Double imposition des dividendes de source française : la Cour de Cassation confirme sa jurisprudence !
Est-ce la fin de la double imposition des revenus de sources françaises pour les personnes physiques résidant en Belgique ? C’est en tout cas le sens d’un arrêt récent de la Cour de Cassation belge. Les contribuables qui ont payé un précompte mobilier excédentaire peuvent dès lors en réclamer la restitution auprès de l’administration fiscale. Nous vous expliquons en détails cette nouvelle décision de justice.

Ce 15 octobre 2020, notre Cour de Cassation belge a confirmé son arrêt du 16 juin 2017. Ce second arrêt va-t-il enfin mettre un terme à la double imposition des dividendes de source française obtenus par des résidents belges-personnes physiques ?
Double imposition
Comme vous le savez, un dividende de 100 euros distribué par une société française à un résident fiscal belge-personne physique subit une retenue à la source en France de 15 euros (taux réduit de 15 % prévu par la convention préventive de la double imposition signée entre la France et la Belgique[1]). Le montant net de 85 euros est ensuite soumis en Belgique à une taxation de 30 %. Un revenu net de 59,5 euros sera donc encaissé après impôts.
Outre le taux réduit de retenue à la source française (15 %), cette convention prévoit également l’octroi, par la Belgique, d’un crédit d’impôt dénommé quotité forfaitaire d’impôt étranger (« QFIE »).
La convention précise à cet effet que la QFIE est déductible dans les conditions fixées par la législation belge. La convention renvoie donc expressément à notre législation, selon laquelle les contribuables personnes physiques agissant à titre privé sont exclus du bénéfice de la QFIE.
L’administration fiscale belge était jusqu’à présent confortée dans sa position par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne et par notre ministre des finances de l’époque qui avait encore rappelé, après l’arrêt du 16 juin 2017, qu’il n’avait pas l’intention de remédier à cette situation.
Arrêts des 16 juin 2017 et 15 octobre 2020
Par 2 fois, la Cour de Cassation belge a rejeté cette position administrative.
A chaque fois, la Cour de Cassation a rappelé le principe de primauté du droit international (en l’occurrence la convention franco-belge) sur le droit national.
Autrement dit, l’administration fiscale belge ne peut invoquer son droit national pour refuser l’application de la QFIE prévue par la convention franco-belge.
Or cette convention, bien que renvoyant à notre législation, stipule qu’en aucun cas cette QFIE ne peut être inférieure à 15 % du montant net de retenue française, sans qu’aucune condition d’affectation des capitaux à l’activité professionnelle ne soit prévue.
Si on applique la jurisprudence de la Cour de Cassation à notre exemple chiffré ci-dessus, un revenu net de 72,25 euros serait donc encaissé après impôts, soit une différence de 12,75 euros en faveur du contribuable !
Le volet judiciaire est-il clos ?
Dans un Etat de droit, on peut l’espérer. La réaction de l’administration fiscale est en tout cas attendue avec impatience.
Que peuvent faire les contribuables ?
Chaque contribuable a la possibilité d’introduire une réclamation auprès de l’administration fiscale belge afin d’obtenir la restitution de l’impôt belge excédentaire payé par le passé.
S’agissant de revenus étrangers ayant subi le précompte mobilier libératoire belge, le contribuable dispose d’un délai de 5 ans pour introduire sa réclamation. Ce délai de 5 ans court à dater du 1er janvier de l’année au cours de laquelle le précompte a été prélevé (ex : pour un précompte prélevé le 1er février 2020, le délai de réclamation expire le 31 décembre 2024). On l’aura compris, à ce jour, aucune réclamation ne peut être introduite utilement pour les précomptes prélevés en 2015 ou antérieurement. Dès le premier janvier 2021, ce sont les revenus de 2016 qui ne pourront plus faire l’objet d’un recours administratif[2].
S’agissant de revenus étrangers encaissés à l’étranger et donc repris par le contribuable dans sa déclaration fiscale annuelle, le délai de réclamation est réduit à 6 mois à compter de la date d’envoi de l’avertissement-extrait de rôle.
Pour le futur, et tant que la convention franco-belge n’est pas modifiée[3], les contribuables concernés devront introduire annuellement une réclamation auprès de l’administration fiscale pour demander l’application de la QFIE. Le recours au formulaire de la déclaration fiscale annuelle est exclu en l’absence de code prévu à cet effet.
Conclusion
Ce second arrêt de la Cour de Cassation belge est évidemment une bonne nouvelle pour le contribuable. Reste maintenant à espérer que l’administration reconnaisse sa défaite. L’introduction d’une réclamation devrait permettre de récupérer l’impôt trop perçu.
Gardons cependant à l’esprit que l’introduction d’une réclamation a pour conséquence immédiate la levée du secret bancaire pour le contribuable. En l’absence de décision de l’administration ou en cas de refus par l’administration de rembourser l’excédent d’impôt ou de précompte, le contribuable pourra introduire une action devant le tribunal de première instance.
Le Département Wealth Planning & Structuring se tient, comme d’habitude, à votre entière disposition pour répondre à toutes les questions que vous jugeriez utiles.
[1] Un taux de 12,8 % est applicable moyennant la signature, par les clients concernés, du formulaire 5000 « Attestation de résidence destinée à l’administration étrangère » remis à la banque belge avant le paiement des dividendes français. Ce document a cependant une durée maximale de validité de trois ans.
[2] Certains contribuables ont introduit, après l’arrêt du 16 juin 2017, des réclamations à titre conservatoire. Celles-ci restent bien entendu valables
[3] La France et la Belgique se sont accordées pour supprimer purement et simplement la QFIE de la future nouvelle convention franco-belge préventive de la double imposition. Cet accord ne s’est pas encore traduit sur le plan juridique.
Photo by Rafael Garcin on Unsplash